Je l’ai visionné précisément 14 jours après que Cannes s’embrase et s’extase devant le dernier en date du chétif à lunettes que représente le New-Yorkais. Parce que le tapis rouge ne m’a pas accueillie. Parce que je croise uniquement Woody dans mes songes cinématographiques. La salle était glaciale. Mais il est de ces films qui donnent l’impression de t’appartenir. Peut-être parce qu’il apporte une perception différente de cette ville, qu’il donne une nouvelle dimension à ma vie. J’ai oublié le vent artificiel parce que tout sourire je me suis imprégnée de cet hommage signé Woody. Pour mon Paris. Un pari osé pour un Paris magique. Une fois sortie, j’avais comme une envie de danser sous la pluie d’étoiles que formaient les réverbères éclairant la nuit. Pluie imaginaire, je sortais d’un Paris oscillant entre rêve et réalité. Paris est beau. Je longeais la rue déserte songeant à cette déclaration d’amour majestueuse du maître à ces quais longs, vertigineux…du cinéaste aux bals populaires, aux fêtes foraines houleuses du commencement d’un ancien siècle. Tout l’enjeu de ce film résidait dans le fait que l’ensemble d’un public averti en attendait la critique. S’inscrivant dans la trilogie de la longue lignée Woody plus ou moins appréciée, l’intellectuel investit cette fois Paris représentant entre autre Carla Bruni en conservatrice de musée ou Gad Elmaleh en détective privé. Alors comédie populiste ou fantasme idyllique d’une ville ? Les monuments défilent sur les airs de Joséphine Baker, Sidney Bechet ou Stan Getz. Oeuvres de pierre mais également de chair. Marion Cotillard époustouflante en muse Adriana, Léa Seydoux en touchante marchande aux puces de St Ouen, Carla Bruni, effacée et discrète en directrice française, Rachel McAdams en épouse excessive de notre héros, Gil, sous les traits d’Owen Wilson incarnant le parfait touriste… Toutes se succèdent à la poursuite de leurs vies autour de notre américain, pantin naïf et passif de ses rencontres avec Hemingway, Fitzgerald, Picasso, Gauguin et bientôt Dali. Un voyage dans le temps qui, au delà du potentiel comique de la situation donnée par notre scénariste, pousse à réfléchir sur l’accommodation de notre présent. J’ai aimé ce fantasme impudent de Woody pour Paris, j’ai aimé la créativité fantastique dont fait part le scénar’ et les dialogues précipités propres à notre capitale pressée. J’ai aimé m’émerveiller devant les années folles et les incrustations culturelles entre le pittoresque et le surréaliste. J’ai aimé la nostalgie apparente de l’ancien temps et la cohue des années ou l’Art s’exprime sans vanité. J’ai aimé l’idée que Paris soit représenté ainsi, artifices construits et lieu de réussite. Il était plus de minuit quand je suis sortie. Radicale, c’est indéniable, je reviendrai toujours ici et là, où l’histoire mêlée à la vie se classe dans une sphère dans laquelle rien ne trépasse.