Les mystères de Marseille, roman d'Emile Zola (1867)

Publié le 15 juin 2011 par Mpbernet

Dans l’œuvre d’Emile Zola, cinq titres précèdent le cycle des Rougon-Macquart : La Confession de Claude (1865), Le Vœu d'une morte (1866), Les Mystères de Marseille (1867), Thérèse Raquin (1867) et Madeleine Férat (1868).

C’est la lecture assidue des polars de Jean Contrucci, les « Nouveaux mystères de Marseille » qui m’a conduit tout naturellement à rechercher cette production de jeunesse d’Emile Zola, parue en feuilleton dans le Messager de Provence en 1867. En fait, l’idée du propriétaire de cette petite feuille de province, Léopold Arnaud, pour lancer les ventes de son journal et comme en 1842 - 1843 « Les Mystères de Paris » d’Eugène Süe, modèle du genre, était de fournir à Zola des éléments historiques, recopiés dans les greffes des tribunaux de Marseille et d’Aix, relatifs aux grandes affaires criminelles des dernières années.

A l’époque, Zola n’est pas encore lancé. Ce feuilleton, qu’il qualifie lui – même d’alimentaire, il l’écrit au jour le jour, en marge de son premier grand roman à succès, Thérèse Raquin. Mais on sent poindre le grand écrivain dans ses descriptions éblouissantes d’un décor et d’un paysage aixois et marseillais qu’il connaît bien, dans la psychologie des personnages, très stéréotypée comme le veut le genre, mais si attachante. Bien entendu, il faut apprécier les romans du XIXème siècle et leur style particulier. Les Mystères de Marseille ne sont pas encore au niveau d’un Germinal ou du Bonheur des dames, mais le style et le mouvement sont là. La méthode aussi : Zola écrit trois à cinq pages par jour, ce qui correspond à un roman de deux tomes par an, ce qui sera son rythme hallucinant tout au long de sa vie. Il a donc à sa disposition une documentation riche, mais aussi sa propre expérience de la vie de bohème, de la ruine de sa mère après la liquidation de la compagnie fondée par son père, l’ingénieur italien Zola qui a conçu le chantier du canal d’amenée d’eau à Aix en Provence.

Le roman raconte les amours contrariées de Philippe Cayol, pauvre, sans titre, sans morale, républicain, et de la jeune Blanche de Cazalis, nièce et pupille de M. de Cazalis, millionnaire, député, tout puissant dans Marseille et fieffé coquin. Le frère de Philippe, Marius, se dévoue pour protéger de la colère de M. de Cazalis les deux amants, et l'enfant auquel Blanche a donné le jour avant d'entrer au couvent.

Véritable roman-feuilleton, Les mystères de Marseille contient toutes les caractéristiques du genre : amours impossibles, complots, drames et rebondissements à n’en plus finir. Des personnages hauts en couleur sont présentés, qu’ils soient banquiers ou notaires véreux, usuriers, grisettes, joueurs ou prêtres mondains dévoyés. Le tout s’articulant autour d’une lutte de classe entre républicains et aristocrates sur fond de révolution de 1848. Le côté social de l’écrivain engagé qu’est Zola ressort déjà dans ce texte. L’affrontement entre classes verrason apogée lors d’une sanglante émeute ouvrière qui n’est pas sans rappeler celle qui sera décrite plus tard dans Germinal.

Pour ma part, j’ai adoré la scène du tripot où le gentil héros gagne incompréhensiblement une première nuit, pour tout perdre le lendemain. La morale est sauve. Et bien entendu les scènes d'émeutes où l'on entend siffler les balles et défoncer les portes des maisons à coups de crosse. Un roman de jeunesse qui m'incite à rouvrir la série des Rougon-Macquart dont j'avais, voici plus de trente ans, acheté la série complète illustrée par TIM.

Les Mystères de Marseille, roman d’Emile Zola, éditions Jeanne Laffitte, 360 p. 20€