Depuis peu, pourtant, un groupe de vigilants est apparu, qui font eux aussi la chasse aux boomers fous et dont les autorités ne savent rien. Équipés de scaphandres mécanisés à la technologie supérieure à celles de l’AD Police comme de l’armée, ils semblent suivre leurs propres plans, tout aussi inconnus. Pour Genom ce sont de dangereux terroristes et pour l’AD Police des gêneurs, alors que pour le public ce sont des héros – à moins qu’il s’agisse d’héroïnes…
L’équation accueille soudain une inconnue de plus quand un mercenaire débarque à l’aéroport de Megatokyo pour finir une mission qui a tourné court trois ans plus tôt, avec la ferme intention de ne pas se laisser barrer la route par qui que ce soit…
Et surtout pas des vigilant(e)s.
Pourtant, ce succès hors Japon resta cantonné au public américain, plus technicien que celui d’Europe, qui trouva peut-être dans ce futur immédiat saturé d’urbanisme et bardé de mécatronique, de biotechnologie et d’intelligence artificielle un reflet de ce à quoi il aspirait, habitué qu’il était à caresser les espoirs d’un futur plus beau à force de biberonner des récits de science-fiction – genre bien souvent optimiste. De sorte qu’en dépit de tentatives bien réelles de s’importer par chez nous, la franchise ne trouva qu’un accueil assez froid : peut-être en raison de ses apparences technophiles, l’Ancien Monde la bouda quelque peu, lui préférant ses opus les plus noirs comme AD Police Files (même studio ; 1990), et encore pas avant 2003.
On retrouve là comme auteur et dessinateur un Adam Warren qui n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine du manga à l’américaine puisqu’on lui devait déjà des adaptations semblables de Dan et Danny (Dirty Pair ; Toshifumi Takizawa, 1985) dès 1988. De toute évidence familier de la culture manga, l’auteur se montre aussi très bon connaisseur de l’univers de Bubblegum Crisis dont il explore ici une facette assez inattendue et qu’il présente sous un angle bien plus noir et sinistre que celui de l’OVA originale. Car Bubblegum Crisis : Genom est une préquelle de Bubblegum Crisis, soit un récit écrit après la conclusion de cette série mais dont l’action se situe en fait avant celle-ci : c’est à vrai dire la première véritable aventure des Knight Sabers.
Voilà pourquoi on regrette que ce court comics se cantonne à quatre numéros à peine dans son édition originale quand une paire d’autres à peu près, mais développés comme il se doit, aurait pu en faire une production de tout premier plan dans cet ensemble de créations qui caractérisent la fusion de l’orient et de l’occident. Il n’en reste pas moins un récit très solide, qui développe l’univers de Bubblegum Crisis de manière inattendue sur plus d’un point et qui n’hésite pas non plus à remettre certaines pendules à l’heure, en particulier sur le rôle des Knight Sabers dans ce futur pour le moins sinistre comme dans les inspirations originales des créateurs de la franchise et notamment pour ce qu’elles impliquent sur le plan humain.
C’est aussi sur ce point qu’on évalue les qualités d’une histoire après tout…
Bubblegum Crisis : Genom (Bubblegum Crisis: Grand Mal), Adam Warren, 1994
Dark Horse France, collection Manga, janvier 1996
96 pages, env. 2 € (occasions seulement), ISBN : 2-84164-019-1