La mise en scène d'Otto Schenk séduit les Munichois depuis 1972. Les amateurs de modernité en sont pour leurs frais, mais c'est tant pis pour eux car sans doute n'en a-t-on pas vraiment besoin pour savourer pleinement le Chevalier à la Rose et s'immerger dans l'évocation nostalgique de la Vienne impériale, et s'amuser des travers d'une aristocratie tout imprégnée d'elle même. Les costumes et les décors ont été entièrement rénovés pour cette reprise et contribuent à en assurer le succès.
Face à cette actrice accomplie, l'Octavian de Ruxandra Donose ne sait pas joindre le geste à la parole. La voix est admirable, même si au premier acte elle ne passe pas l'orchestre dans les graves, mais Donose reste femme d'un bout à l'autre de sa prestation, alors qu'il faudrait ici des talents de transformiste pour jouer le double travesti. Ce n'est qu'en présence de Sophie que l'excellente mezzo parvient quelque peu à donner le change, mais on comprend bien l'étonnement grossier et la confusion du Baron Ochs de Lerchenau qui croit avoir la berlue. Certes l'opéra est un art difficile parce qu'il exige des talents variés et complexes, mais on finit par pardonner le ratage du personnage, tant Ruxandra Donose parvient à gagner en ampleur vocale à mesure que l'action avance. L'amour donne des ailes, dit-on, et de passer du libertinage amoureux et des légèretés de l'adultère à l'amour partagé qui conduira au mariage donne du corps et de la substance à la voix. D'autant que le soprano adamantin de l'admirable Sophie de Lucy Crowe séduit d'un bout à l'autre de sa partie. Elle est familière d'un rôle qui a assuré le succès de ses débuts à Glyndebourne puis à Covent Garden . Elle sait exprimer toute la palette des émotions d'une jeune fille de qualité, de la pudeur rougissante à l'excitation, avec des accès d'indignation et la répulsion que lui inspire son fiancé.
La distribution est éblouissante d'un bout à l'autre: Martin Gantner est à la hauteur de la progression sociale d'un Sieur de Fanifal qui a de l'honnêteté à défaut d'avoir l'ancienneté de la noblesse. La cerise sur le gâteau se déguste dès le premier acte, dans cette admirable scène magnifiquement agencée par Otto Schenk qui voit l'irruption de la foule des solliciteurs qui faisaient antichambre dans la chambre à coucher de la Maréchale: c'est l'interprétation d'une chanson italienne par rien moins que le ténor coréen Wookyung Kim.
Face à un tel florilège, on peut imaginer qu'on est reparti pour dix ans de bonheur dans les décors et les costumes de Jürgen Rose et que bientôt on fêtera le cinquantième anniversaire de cette mise en scène d'Otto Schenk que l'on vient voir et revoir avec le plus grand plaisir, et qui est devenu un monument incontournable de la culture munichoise.
Prochaines représentations:
Le 19 juin
Les 19 et 23 juillet
au Théâtre national
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Crédit photographique pour les scènes de l'opéra: Wilfried Hösl.