Beginners

Auto-bio d’un graphiste

Mike Mills fait partie d’un club très fermé : celui des gens qui ont une chanson à leur nom. Et pas une chanson de n’importe quel groupe. Une belle ballade instrumentale de Air, posée là, en plein milieu de leur meilleur album, Talkie Walkie, comme un hommage discret aux clips réalisés pour le duo versaillais. On s’éloigne du sujet, me direz-vous. Pas tant que ça, puisque Mike Mills, la chanson, possède étonnamment les mêmes qualités que ce Beginners : un air joyeux qui, avec la force de l’évidence, impose en fait une profonde mélancolie.

Beginners, c’est l’histoire d’Oliver (Ewan McGregor), illustrateur à Los Angeles, sans avenir professionnel ni sentimental. C’est l’histoire de son père, atteint d’un cancer incurable, qui fait son coming-out gay à 75 ans. C’est aussi et enfin l’histoire d’une rencontre, entre le héros et Anna (Mélanie Laurent), Française expatriée et délurée.

Biographie à peine déguisée de son réalisateur, Beginners est un de ces films doux-amers en forme de quête de sens, où le personnage principal va connaître tour à tour la mort d’un proche, la solitude, l’amour. On pense beaucoup au rôle de Zach Braff dans son propre Garden State, ou même au Bill Murray de Lost in Translation. Les questions existentielles d’Oliver défilent ainsi à l’écran et pourraient salement plomber l’ambiance… si elles n’étaient traitées avec une salvatrice légèreté.

Le montage n’est à cet égard pas neutre, suffisamment intelligent pour briser la linéarité du récit et alterner les tonalités, insérant à l’envi des flashbacks historico-familiaux qui se révèlent autant de trouvailles visuelles. Et voilà que l’on rit. Beaucoup même, aux vraies-fausses répliques du chien Arthur (pressenti pour l’Oscar)… artifice qui, loin de traduire comme on le pense au premier abord de réelles pensées canines, n’est en fait que le miroir comique de la solitude d’un héros qui s’invente un compagnon de conversation.

Par quelque bout qu’on le prenne, Beginners ramène toujours à l’inquiétude sourde d’un réalisateur, qui évolue sur un terrain très personnel : celui de sa propre histoire. Par petites touches, d’idées discrètes en gageures au génie inattendu (priver lors de ses premières scènes Mélanie Laurent de l’usage de la parole…), Mike Mills dévoile un peu de lui et, finalement, beaucoup de nous. Joli puzzle de vie.

Sortie le 15 juin 2011

Photo : © MK2 Diffusion