Etat chronique de poésie 1239

Publié le 15 juin 2011 par Xavierlaine081

 

1239

Ne sachant plus que dire, ils parlent du 10 mai.

Ils butinent dans l’histoire et l’arrangent à leur façon.

Ils s’assoient sur les espoirs d’hier pour mieux enfoncer ceux d’aujourd’hui.

On exhume les fantômes.

On les pare d’atours brillants.

On repeint en grands hommes ceux qu’hier on critiquait.

Les secousses telluriques profitent du silence japonais pour se rapprocher.

Nos yeux et nos oreilles chargés de bruits et de feux n’y voient ni entendent.

Voilà que s’avance, dans sa robe d’innocence, une poète violée dans le silence des pantoufles.

Ta poésie, ma sœur, flambait et brûlait ce siècle de nouvelles tragédies.

Eux ne parlent de rien d’autre que de mémoire.

L’homme qui marche, courbé sous le fardeau d’une misère inattendue, ne les intéresse pas.

Ils parlent d’hier pour masquer leur incurie présente.

Ils voilent leurs méfaits sous les oripeaux d’une démocratie défunte.

Volent aux uns et aux autres leurs ultimes subsides.

Fomentent en basse-cour leurs programmes électoraux.

Veillent à limiter la participation des citoyens au minimum crédible.

Faquins et valais s’inclinent aux palais des coups d’état.

Ce qui va venir est peut-être pire encore que ce que nous connaissons.

Que faudrait-il pour ouvrir les yeux ?

Des enfants entrent, ne tiennent pas en place, devenus incapables de la moindre concentration.

On imagine pour eux une perche, un quai, un port d’attache.

Eux n’en éprouvent nul besoin, viennent pour faire plaisir, font ce qu’on leur dit.

Nos enfants sont désormais vidés de toute substance, de toute flamme.

Ils ne peuvent que tenter de survivre, déjà, à l’infamie courante.

Ils n’écrivent pas, ils ne rêvent pas, se rangent où il est convenu.

*

Mes larmes roulent en dedans de mesurer l’étendue du désastre.

Mes pupilles cherchent à croiser le regard de leurs maîtres et maîtresses.

Je vois des têtes baissées, des sourires tristes à pleurer, dans des écoles bétonnées et sales.

Je vois un pays livré aux grossiers appétits d’apprentis dictateurs.

Je vois sa soumission à des valeurs qui broient, tuent et violent en toute indifférence.

Je vois l’indifférence qui avance à grand pas dans les yeux effarés d’enfants déjà perdus.

*

Ma parole se perd dans le désert qui se prépare

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Manosque, 13 mai 2011

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