Micheluzzi © Mosquito - 2009
Labrume. Avec un nom comme celui-là, le beau Marcel aurait pu être agent secret, d’autant qu’il en a la carrure. Mais c’est un journaliste opportuniste, et « Collabo » de surcroît, qui s’est installé à Beyrouth.
Septembre 1940. Labrume passe son temps à flemmarder avec Mitzi, sa petite amie. Proche des milieux extrémistes, il se montre dans les soirées prisées des expatriés et tente d’y glaner quelques informations. C’est dans l’une d’elles qu’il rencontre Carole Gibbons, une jeune et belle milliardaire américaine. Rapidement, l’homme tombe sous le charme de cette femme qui, pour des raisons encore inconnues, est dans le collimateur de la Gestapo. Intrigué par la belle, il va se mettre à la suivre. Ce qu’il va découvrir va l’obliger à revoir ses convictions.
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Le personnage de Marcel Labrume est né en 1980. Première publication de ses aventures dans le magazine italien Alter Alter et arrivée en France du tome 1 en 1983 (alors publié par les Humanoïdes Associés). Mais ce diptyque est passé inaperçu à l’époque, malgré l’obtention du Fauve d’Or en 1984 pour le tome 2. Réédité en 2009 par les Éditions Mosquito, cette intégrale s’ouvre sur une préface signée par Michel Jans (Fondateur de Mosquito, auteur et grand esthète amateur de BD ; je vous propose ce lien pour découvrir une interview à laquelle il a répondu). Il commente l’évolution de Labrume, met en valeur de cette œuvre (dans ce qu’elle apporte à l’univers BD en général) et montre le rapport que Michel Micheluzzi entretient avec son personnage :
Labrume, Marcel Labrume. Une belle fripouille. Le symbole vivant de mes contradictions. Un homme qui m’attire avec son potentiel de séduction un peu perverse, pas son statut de personnage trouble, sans idéal, totalement immergé dans son abominable égoïsme. Et qui bien entendu pour toutes ces raisons me répugnent. Il y a cette subtile fascination pour ce qui est interdit, l’aspect séduisant du péché ainsi que le plaisir pervers de se sentir attiré, alors qu’en même temps, on se croit meilleur que lui.
Le tome 1, Que tu es beau Marcel, t’es un salaud Marcel, présente donc le héros dans un contexte de crise (Seconde Guerre Mondiale), et sur trame d’enjeux politico-économico-stratégiques. Au préalable, Micheluzzi rappelle le contexte historique et les événements majeurs qui ont fait date dans cette guerre, ainsi que l’intérêt de chaque pays a à tirer d’une place privilégiée en territoire arabe :
Les rôles sont distribués, le bal peut commencer. Mais dans la plus grande confusion car les Français pétainistes sont contre les gaullistes et contre leurs ex-alliés britanniques mais aussi contre leurs ex-ennemis allemands et italiens. Arabes sunnites contre Arabes chrétiens, Arabes contre les Français, mais aussi contre les Anglais mais sans s’opposer aux Allemands et aux Italiens, mais en tout cas toujours contre les Juifs qui, par bonheur, n’ont comme adversaires que les Allemands et les Arabes.
La trame narrative, en se basant sur des faits historiques, offre donc un décor intéressant pour ce ce héros sombre et cynique. J’ai pourtant été en difficulté durant la lecture du tome 1 : le personnage est trop détaché, froid, hautain et le revirement qu’il opère en fin d’album est réellement surprenant. Dans le bon sens du terme d’ailleurs. Une difficulté à distinguer (parfois) les personnages secondaires de l’intrigue, un rythme qui passe sans scrupules d’un plan à l’autre, d’un protagoniste à l’autre. Ce qui sème le trouble mais renforce la tension pesante – à couper au couteau – autour de Labrume. En revanche, le second tome, A la recherche des guerres perdues, est réellement prenant. Entre les deux tomes, Marcel a perdu Carole et s’est engagé dans les troupes de la Légion étrangère. On se demande s’il n’est pas en train de glisser lentement vers la folie : il soliloque, s’insulte, se moque de lui mais cela crée une ambiance mi-amère mi-poignante… j’aime.
Le graphisme, et ses nombreux jeux de hachures, vient compléter le caractère mordant de ce monde austère et renforce le côté cynique et individualiste de l’ambiance. Le trait est lourd et l’ambiance se crée autour d’une succession d’aplats de noir ou de blanc. Le noir donne de la portée au scénario, le blanc renforce les sensations de chaleur, moiteur, etc (environnement hostile, désert…). Les fonds de cases sont souvent minimalistes alors qu’en premier plan évoluent les personnages charismatiques. Les angles de vue utilisés par Micheluzzi rendent le récit dynamique. On a un bon rendu des mouvements des personnages.
Les mots sont au service des visuels et réciproquement, les éléments se répondent en écho. Une lecture fluide, agréable et prenante.
Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux
Racisme, espionnage, guerre…
Très bonne série, avec une préférence pour le tome 2 qui avait obtenu le Fauve d’Or à Angoulême en 1984. Au final, ce diptyque nous fait découvrir une vision assez méconnue d’un conflit. Nous découvrons Labrume en septembre 1940 et le quitteront, à la fin du second tome, en juin 1942 avec on ne peut plus d’incertitudes quant à son devenir.
Les avis de Stéphane sur AAAblog et de Jean-François.
Extraits :
« A la tienne Adolf, vieux salaud ! Désormais, le monde t’appartient ! … à nous ! Parce que, mon vieux, je me fous du monde entier… Ratata, tra tra, tra tra… » (Marcel Labrume).
« Il n’est pas facile de rompre brutalement avec son passé…. C’est un peu comme mourir… ce n’est pas vrai. C’est naître une autre fois » (Marcel Labrume).
« 18 juin. Une autre nuit vient de s’écouler et les gens ont continué à mourir, mais le soleil s’en fiche » (Marcel Labrume).
Marcel Labrume
Intégrale
Diptyque Terminé
Éditeur : Mosquito
Dessinateur / Scénariste : Attilio MICHELUZZI
Dépôt légal : septembre 2009 (intégrale)
Bulles bulles bulles….
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