Le 9 juin, le ministre s'exprimait contre le projet de loi socialiste visant à légaliser le mariage homosexuel. Ses arguments étaient mous.
Le 14, il clôturait son premier forum sur les Travaux d'Intérêt Général, sans commenter pas les dernières statistiques carcérales.
Jurés populaires, gadget coûteux
Le gouvernement n'a pas d'argent à consacrer à une aide directe et d'urgence pour les agriculteurs frappés par la sécheresse. Sarkozy l'a répété la semaine dernière. Ce serait illégal. En revanche, le voici qu'il s'apprête à dépenser une quarantaine de millions pour un gadget électoral dont l'examen débute à l'Assemblée nationale, l'introduction des fameux jurés populaires dans les tribunaux correctionnels.
Cette loi qui vise notamment à « améliorer la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale » s'avère être une véritable usine à gaz dont le coût se chiffre à une dizaine de millions d'euros par an, plus 35 millions d'euros d'investissement initial pour agrandir les tribunaux.
Elle prévoit d'ajouter deux citoyens assesseurs aux côtés de trois magistrats au sein du tribunal correctionnel pour des délits d'atteintes aux personnes punissables de 5 ans de prison au moins, deux autres assesseurs au tribunal d'application des peines, pour se prononcer sur les demandes de libération conditionnelle et d'aménagement de peine concernant des peines d'emprisonnement d'au moins cinq ans, y compris en appel.
Dans l'étude d'impact publiée lors du premier examen du projet, les sénateurs s'inquiétaient déjà de l'accroissement du nombre d'audiences, de l'ordre de 40.000 si l'on additionne toutes les audiences concernées par la réforme.
« Pour juger les 36.500 affaires entrant dans le champ d'application, il faudra ainsi prévoir près de 12.200 audiences avec citoyens assesseurs, soit l'organisation de 6.800 audiences supplémentaires par rapport à la situation actuelle. La même situation devrait se retrouver en appel. Près de 2.450 audiences avec citoyens assesseurs devront être organisées, soit 1.225 audiences complémentaires par rapport à la situation actuelle.Les élus de la haute assemblée précisaient les coûts supplémentaires que la réforme induira : il faudra agrandir 25 tribunaux et construire 5 nouvelles salles d'audience (30 millions d'euros d'investissement), prévoir des équipements et 263 postes de travail supplémentaires (3,7 million d'euros), payer 58.700 indemnités journalières de citoyens assesseurs (8,5 millions d'euros, dont 7,9 millions pour les seules audiences correctionnelles) et prévoir le recrutement de 155 magistrats et 109 greffiers :
Il sera également nécessaire de prévoir des audiences de comparution immédiate pour les personnes qui ne peuvent être présentées devant la formation correctionnelle comprenant des citoyens assesseurs faute d'audience prévue. On estime que 4 000 affaires devront ainsi passer devant une juridiction de comparution immédiate, nécessitant l'organisation de près de 500 audiences supplémentaires.
L'introduction des citoyens assesseurs dans les tribunaux d'application des peines devrait également entraîner l'organisation de près de 1 200 audiences supplémentaires.»
- 97 ETP de magistrats et 26 ETP de greffiers pour faire face au doublement du temps d'audience et de délibéré,
- 23 ETP de magistrats et de 2,6 ETP de greffiers pour la mise en place des audiences-relais.
- 16 ETP de magistrats et 4 ETP de greffiers pour les nouvelles délibérations en matière de libération conditionnelle.
- 8,9 ETP de magistrats et 76 ETP de greffiers pour le recrutement des citoyens assesseurs.
A l'inverse, la procédure d'assises simplifiées, qui concernerait un peu de moins de 1.250 affaires par an, permettrait de réduire d'à peine 2 millions d'euros le coût de la justice (soit 17 444 indemnités non-versées). Bref, le compte n'y est pas !
Devant les quelques députés de la commission des lois, le 8 juin dernier, le Garde des Sceaux ne fut pas très disert sur le coût de cette réforme inutile. Il s'est contenté d'expliquer que la loi serait d'abord expérimentée dans deux cours d'appel à compter du 1er janvier 2012, puis étendue à un tiers du territoire au début de 2013, pour être généralisée en janvier 2014. On comprend la prudence, mais on s'étonne de l'injustice : comme l'écrivait notre consoeur Coralie Delaume, pendant quelques mois ou quelques années, « le traitement des justiciables sera différencié selon le lieu d’implantation du tribunal où ils seront jugés ».
On s'étonna aussi de l'incohérence de Nicolas Sarkozy : par pingrerie, pour économiser 6,6 millions d'euros par an, le gouvernement avait déjà reporté en 2009 puis en 2010 l'application de l'une des dispositions de la loi du 5 mars 2007 qui prévoyait, après le scandale de l'affaire Outreau, de confier toutes les informations judiciaires à une collégialité de trois juges.
Sur ce point, comme sur d'autres, Michel Mercier n'avait rien à dire.
Mercier dépassé
Le 9 juin dernier, Michel Mercier défendait l'hostilité du gouvernement à l'encontre du projet de loi d'initiative socialiste visant à légaliser le mariage homosexuel. Il fut d'un lyrisme mou, faussement centriste . Il ne fallait pas, selon lui, légaliser un état de fait (les homos vivent en couple), parce que ... personne ne nous y oblige (la Cour européenne n'exige rien en la matière, le Conseil constitutionnel non plus), et le mariage homosexuel n'a jamais été dans nos lois... Quelle formidable lapalissade ! « La condition d’altérité sexuelle a été inscrite par le législateur dans notre droit avant même le code Napoléon. La loi française définit depuis plus de deux siècles le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. » Et de lister tous les obstacles : le mariage a toujours été socialement hétérosexuel , etc, etc.
« Ce débat est l'occasion de montrer l'attachement de notre société au mariage, pour la sécurité qu'il apporte par rapport aux autres types d'unions et pour le symbole social qu'il représente. » Mais, ajouta-t-il, « Il convient de respecter la place et les spécificités de chacune de ces unions », en distinguant le PACS et le concubinage du mariage : « le mariage et le pacs n'ont pas sur le plan familial vocation à devenir similaires. »
Le texte fut donc rejeté par les députés UMP, à l'exception d'une poignée d'entre eux. Le député UMP du Nord Christian Vanneste pouvait à nouveau déraper, dans les couloirs de l'Assemblée : « Je ne vois pas en quoi l'Assemblée nationale doit s'intéresser à une aberration anthropologique. Il n'y a que deux sexes, les hommes et les femmes. Et la société doit assurer sa pérennité par le mariage des hommes et des femmes. Le reste, c'est une question de mode, liée à quelques lobbies qui ont manifestement beaucoup de pouvoir.»
Le ministre organisait, le même 14 juin, son premier « Forum du Travail d’Intérêt Général » (TIG) , pour stimuler les travaux d'intérêt général. Rien à voir avec la proposition de Laurent Wauquiez d'imposer 5 heures de travail aux bénéficiaires du RSA (quoique). Le Garde des Sceaux voulait stimuler les alternatives à l'emprisonnement. Et pour cause. Les prisons débordent !
Vendredi dernier, Mercier ne savait d'ailleurs comment commenter la publication des dernières statistiques carcérales. La France frôle les 65.000 détenus (64.971 au 1er juin), pour 56.109 places. Ce chiffre est en hausse de 7,3% depuis le 1er janvier 2011 (60.544). Quelque 26 % des personnes incarcérées le sont à titre provisoire, dans l'attente d'un jugement.
Esquiver les vrais débats, pérorer sur les faux, répéter des évidences... Michel Mercier est l'homme idéal à la tête de la Justice de Sarkofrance.