Australie: l'art rupestre aborigène menacé de disparition

Publié le 14 juin 2011 par Jann @archeologie31

Les vieux aborigènes considèrent les anciennes peintures et gravures qui parsèment le paysage australien comme leur livre d'histoire.
Pourtant, alors que l'Australie possède parmi les plus remarquables et abondantes œuvres d'art rupestres, les experts préviennent que la moitié pourraient disparaître au cours des 50 prochaines années si elles ne sont pas mieux protégées

Gravure rupestre aborigène dans le parc de Kakadu
Le développement urbain, l'exploitation minière et le vandalisme, sans oublier l'érosion et autres processus naturels, font parti des menaces qui pèsent sur l'art rupestre que l'on retrouve dans les abris sous roche, souvent dans des régions isolées.
Certains sites ont déjà été détruits au bulldozer, d'autres ont vu leurs peintures effacées ou abîmées. De nombreuses communautés aborigènes ont perdu leur lien avec cet art, que leurs ancêtres ont soigneusement veillé et retouché au fil des générations.
Un des obstacle pour les défenseurs de l'environnement est que la connaissance de cet art est fragmentée: nul n'est certain du nombre de sites existants, même si les estimations suggèrent qu'il y en aurait jusqu'à 100.000.
Des universitaires appellent ainsi à mettre en place une base de données nationale, ce qui leur permettrait de documenter les images et d'identifier celles qui sont les plus à risque.
L'art aborigène remonte à 15.000 ans, comparativement à des peintures rupestres estimées à 34 000 ans à Chauvet, dans le sud de la France. Cependant, les archéologues ont trouvé des éléments prouvant que les aborigènes ont commencé à produire leur art, peu après leur arrivée en Australie, il y a plus de 45.000 ans.
Alors que des sites sont encore découverts, certains des plus importants comprennent Djulirri, dans la région de la Terre d'Arnhem du Territoire du Nord, qui contient 3.000 peintures, des pochoirs et des images de cire d'abeille. Créées sur plus de 15.000 ans, elles représentent des animaux indigènes depuis longtemps éteints, l'arrivée des Européens sur leurs navires, et les inventions modernes, comme un vélo et le biplan.
Le Pilbara, en Australie occidentale, a de grandes quantités d'art rupestre, mais la région également riche en ressources a connu une expansion rapide de l'activité minière.
Sur la péninsule de Burrup, se trouve la plus grande concentration au monde de pétroglyphes; de nombreux sites y ont été détruits dans les années 1960 et 1970. Plus récemment, des sculptures ont été coupées et déplacées, au grand dam des archéologues, qui disent que le contexte est primordial.
Les spécialistes de l'art rupestre souhaitent faire entrer l'Australie dans le top 100 des sites; il s veulent aussi utiliser des technologies avancées telles que le balayage laser 3D pour produire des répliques numériques.
"L'art rupestre disparaît à un rythme alarmant, nous avons donc besoin d'obtenir de bonnes archives de celui-ci avant qu'il ne soit totalement perdu", explique Wayne Brennan, archéologue.
Jusqu'à présent, les archives ont été conservées par les gouvernements des États et territoires, les musées, les universités, les organismes des parcs nationaux, les communautés aborigènes et les chercheurs individuels.
Pour le Professeur Tacon "Il est extrêmement important de rassembler ces divers documents, car la recherche, la conservation et la gestion de l'art rupestre reposer actuellement sur une base ad hoc. Certains sites ont été perdus parce que les gens n'ont pas réalisé leur importance. "
Il déplore le manque de considération pour l'art, qu'il attribue à des générations de manque de respect pour la culture aborigène. Lorsque lui et ses collègues ont approché un important réseau de télévision pour discuter de leur plan pour un registre national, un producteur leur a dit: "C'est juste des trucs Abo. Nous ne faisons pas des choses Abo. "
D'après le Professeur Tacon "Beaucoup de gens ne sont tout simplement pas au courant que cela fait partie de notre patrimoine national et identitaire, ce n'est pas juste quelque chose concernant les aborigènes. Nous voulons faire prendre conscience que ces éléments sont importants, ces lieux particuliers, ils font partie de l'identité australienne ".
Bien que plus récent que l'art rupestre de Chauvet et d'autres sites de grottes européennes, l'art rupestre aborigène est considéré comme important en raison de son volume, de la grande qualité de certaines des œuvres et du fait qu'il a été créé en continu au cours des millénaires jusqu'à il y a environ 20 ans. Contrairement à la plupart des autres pays colonisés par les Européens, l'Australie a en abondance, un art rupestre de la "période de contact".
Et tandis que des objets tels que les boomerangs en bois et paniers tressés n'ont pas survécu dans les dépôts archéologiques, les peintures peuvent montrer comment les Australiens vivaient, célébraient et chassaient il y a quelques milliers d'années.
Alistair Paterson, professeur d'archéologie à l'Université de Western Australia, a déclaré: "L'art rupestre est globalement significatif parce que l'Australie a été colonisée par les hommes  modernes (aborigènes) plus tôt que n'a l'a été l'Europe."
Contrairement à l'art rupestre européen, les dessins des abris sous roche sont relativement exposés. Au fil des années, les roches se sont craquelées et émiettées, l'eau s'est infiltrée à travers les murs et le vent a engendré l'érosion. Des peintures ont également été perdues avec les porcs venus se frotter contre elles. Les feux de brousse constituent encore une autre menace.
Une base de données nationale permettra ainsi aux chercheurs de «se concentrer sur les domaines où l'art rupestre est le plus vulnérable», selon M. Brennan.
Les communautés aborigènes décidereont de la façon dont les images numériques seront stockées, enregistrées et sur leur accessibilité; en effet, les lois culturelles font que certaines scènes ne peuvent être vu que par des hommes, des femmes ou des personnes qui ont subi l'initiation.
Source:

Autres articles en lien avec les aborigènes et l'Australie: