J'ai profité de quelques jours bloqués de longue date pour faire une escapade à Leipzig pour la Bachfest annuelle. J'étais déjà allé à Leipzig et j'avais aimé cette ville chargée d'histoire ancienne et récente, entre la tombe de Bach et le musée de la Stasi (*). Je ne parlerai pas des concerts, je suis mauvais critique. Ils étaient suffisamment à mon plaisir pour avoir parfois les yeux humides. Et l'on n'y écoute pas que les œuvres du kapellmeister puisque la thématique sur le "goût italien" permettait d'apprécier Corelli et consorts. Un mot quand même pour parler de l'impression écrasante de l'orgue du nouveau Gewandhaus avec ses tuyaux de chamade en triple jaillissement, voilà qui change de l'alignement strictement rectiligne et propret des tuyaux de montre de l'orgue de la Nikolaskirche dans sa bonbonnière pastel.
Pour renflouer les caisses l'on vend au prix du poids de l'or toutes sortes d'objets siglés Bach : du chocolat, des liqueurs, des clefs USB, des mugs, des parapluies et des ratons-laveurs. Mais pas encore de préservatifs.
Pour ajouter du piquant à ce séjour, au même moment se tenait un (très) grand rassemblement de "gothiques", "post-punks" et variantes débordant de créativité noire. La famille Adams au milieu des portraits de Bach flottant au vent, ça donne un certain cachet à la ville...
Comme le soleil était de la partie, j'ai suivi les conseils éclairés de Ned pour sortir du centre-ville et aller m'allonger au bord d'un lac. Les locaux se baignaient nus mais je décidais que l'eau devait être trop fraîche pour me joindre à leur témérité aquatique. Je poussais alors l'intérêt touristique jusqu'à l'extrême pour rendre visite à cette hideuse et monumentale cloche de béton qu'est le monument de la bataille des Nations de 1813, le Völkerschlachtdenkmal(ouf !) dont a du mal à imaginer le gigantisme d'après les photos. On passe soudainement de Bach à Wagner en voyant les statues monumentales de la crypte. Mais l'Histoire est ici plus œcuménique qu'il n'y paraît puisque l'on vend aussi bien les CD de chants de l'armée prussienne que des assiettes à l'effigie de Napoléon...
Et trouver le temps, malgré tout, d'aller rendre visite à la population masculine locale, se faire servir à boire par un Tadzio (**) plus beau que l'original et visiter les caves de l'établissement. Il fallait bien terminer la fugue à Leipzig par une strette.
(*) Pour les plus jeunes de mes lecteurs nés après la chute du mur : police politique de l'ancienne Allemagne de l'Est. Le siège régional de la STASI à Leipzig est devenu un musée.
(**) Pour les plus jeunes de mes lecteurs nés après Visconti : Tadzio est un jeune homme blond qui s'amuse à faire tourner la tête d'un vieux monsieur amateur de musique, solitaire et en vacances. Ce qui n'existe qu'au cinéma.