Et le voilà, désormais seul, Lazare Ponticelli, 110 ans lui aussi, 110 longues années bien remplies, passées à braver tous les éceuils et dangers qu'une simple vie ne manque pas de vous proposer, alors pensez, à 110 ans, plus d'un siècle après, deux guerres Mondiales passées, seul à avoir survécu sur 8,4 millions de "poilus" qui ont combattu durant celle que l'on a nommé la Grande Guerre, seul sur 8,4 millions, désormais seul détenteur de la vraie mémoire de cette guerre du côté Français et pour le coup seul sur 5,25 millions d'Italiens qui participèrent aussi à cette guerre, rendez vous compte, Lazare Ponticelli est le seul survivant de plus de 13,7 millions de Franco-Italiens qui ont combattu lors du premier grand conflit Mondial...
L'occasion de revenir un instant sur le parcours de cet Italien de souche qui naît à Bettola en Italie, le 7 décembre 1897, 1897, comme Irène Joliot-Curie ou Louis Aragon, la même année disparaissaient Alphonse Daudet et Johannes Brahms, Félix Faure était Président de la République. Cette année là eu lieu un Rallye, une course ouverte aux automobiles et motos qui se déroulait entre Marseille, Fréjus, Nice et la Turbie et qui vit la victoire du Comte Chasseloup Loubot sur une De Dion-Bouton, vainqueur des 31 rescapés (sur 34 au départ), au terme des 240 kilomètres parcourus sur 3 étapes. Un obscur ingénieur Allemand, Rudolf Diesel invente cette année là le moteur qui porte son nom et le savant Américain John Jacob Abel isole l'Adrénaline !!
Lazare quitte la pauvreté de sa campagne Italienne à l'âge de 9 ans, direction Paris, il sera charbonnier, vendeur de journaux, ramoneur et finira par s'engager, en 1914 (en trichant sur son âge) dans la Légion Etrangère, il sera de toutes les batailles, du Chemin des Dames en passant par Verdun et vivra l'horreur de cette guerre barbare, déclarant aujourd'hui "...on se battait contre des gens comme nous... ...on tirait sur des pères de famille...". Démobilisé fin 1915 il est renvoyé en Italie (qui vient d'entrer en guerre) et intègre à Turin le 5ème régiment de Chasseurs Alpins Italiens, les Alpini, retour au front, en Autriche puis en actuelle Slovénie, il apprendra la fin de la guerre en 1918 dans les préalpes Vénitiennes.
De retour à Paris en 1921 il fondera avec ses deux frères la société Ponticelli frères, aujourd'hui multinationale de plus de 2 000 employés spécialisée dans le pétrole et le nucléaire. Aujourd'hui, Lazare, qui a traversé tant de pages de nos livres d'histoire continue de mener sa vie courageusement et simplement, refusant les honneurs que le République lui promet pourtant, il est le seul en France et en Italie à l'avoir vue et vécue de l'intérieur cette guerre, tout comme une petite dizaine d'autres à travers le Monde, un en Grande Bretagne, un seul également aux Etats Unis, tout comme au Canada en Australie et en Turquie.
Lazare Ponticelli a d'ores et déjà refusé le Panthéon, il veut simplement reposer auprès des siens, dans le caveau familial au Kremlin-Bicêtre, et après tout n'est-ce pas là le plus bel hommage que puisse lui rendre la République, celui de reposer en paix quand le moment sera venu...
Chapeau bas, M. Ponticelli...