Des suppressions d'emploi ont été annoncées chez l'équipementier automobile MBF dans le Haut--Jura ( 450 emplois ), d'autres sont envisagées pour deux sites de PSA à Aulnay-sous-Bois et à Sevelnord. Jean-Philippe Huelin (1) tire la sonnette d’alarme concernant ce phénomène de désindustrialisation.
(photo : Manky Maxblack - Flickr - cc) Il a été annoncé le 31 mai 2011, la suppression de 199 des 450 emplois de l’équipementier automobile MBF Technologies à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Cette usine, plus connue localement sous son nom historique, Manzoni-Bouchot (MB), est le dernier reliquat d’un groupe né dans cette même cité après la Seconde Guerre mondiale. L’usine a une activité de fonderie d’aluminium sous pression et d’usinage de pièces pour l’automobile, en particulier pour le voisin sochalien Peugeot et pour Renault. L’usine est passée de plus de 800 personnes en 2007 à 450 aujourd’hui et donc 250 demain. Ce pourrait être à terme une fermeture d’usine de plus, celle d’une entreprise familiale tombée en 1999 dans la financiarisation de l’économie avec son rachat par un groupe financier suisse puis dans les griffes de l’externalisation de Peugeot à qui MB rachète la fonderie de Villers-la-Montagne en 2002. Tout aurait pu s’arranger avec la reprise de la branche fonderie par un concurrent français, le groupe Arche, en 2007, mais ce ne fut pas le cas.Aujourd’hui en effet, ces licenciements portent en eux un symbole et un signal d’alarme. Le symbole tient dans la désindustrialisation d’un bassin d’emploi, le deuxième en Franche-Comté (elle-même première région industrielle de France), qui se situe dans une très vieille région industrielle, loin des grandes villes. Saint-Claude est une sous-préfecture de 11 000 habitants au cœur d’une zone rurale, d’un parc régional et d’un bassin de vie qui a perdu 10% de ses emplois entre 1999 et 2007.
Mais il y a deux autres informations tombées ce jour qui mettent en perspective ce désastre industriel pour ce secteur du Jura et qui au-delà de lui sont un véritable signal d’alarme. La première information est le projet de fermeture du site PSA d’Aulnay-Sous-Bois. Pour le groupe français PSA, cela doit correspondre à une volonté de rattraper son concurrent français qui le devance encore en matière de délocalisation : Peugeot affiche 37,2% de véhicules assemblés en France, Renault n'en a produit que 26,4%. Dans ces conditions, nul doute que la pression à la délocalisation soit très forte sur les sous-traitants de Peugeot ! Il faut ajouter que Renault a pris de l’avance en faisant tourner à plein régime la fonderie de Dacia en Roumanie…
La seconde information est le montant du déficit de la balance commerciale française qui a atteint en avril 2011 plus de 7 milliards d’euros. Notons que parmi les causes de l’accentuation de ce déficit vient le repli de 1.5% des exportations industrielles dû à la baisse des ventes d’équipements automobiles.
Qui peut aujourd’hui encore nier le lien entre désindustrialisation, délocalisation, appauvrissement et chômage ouvrier ? On ne peut plus seulement proposer au monde ouvrier, comme l’a fait avec courage le Conseil Régional de Franche-Comté, des formations qualifiantes en attendant la reprise. La crise financière de 2008 a bon dos et sert de prétexte à une désindustrialisation beaucoup plus profonde. Il s’agit donc de s’attaquer aux racines du processus. Rôle de l’euro, mesures de protectionnisme à l’échelle continentale, combat pour la « made in France », valorisation des savoir-faire ouvriers, tels sont entre autres, les vrais sujets sur lesquels on attend les candidats aux primaires. A eux de nous convaincre que le futur président de la République pourra s’opposer à la désindustrialisation de notre pays ! Qu’ils viennent l’expliquer aux ouvriers de Manzoni-Bouchot à Saint-Claude, on saura les écouter.
(1) Jean-Philippe Huelin, militant socialiste dans le Jura et co-auteur de Recherche le peuple désespérément (François Bourin, 2009) Jean-Philippe Huelin http://www.marianne2.fr/ http://www.huelin.fr/