BAE Systems tourne la page des avions régionaux.
L’industrie aéronautique britannique est heureuse de constater que les carnets de commandes d’Airbus et Boeing se portent bien tandis que des perspectives convenables s’offrent –lentement- au C.Series de Bombardier. D’oů des prévisions de plan de charge soutenu.
On s’interroge, ŕ vrai dire, face ŕ ce commentaire : sur le marché civil, les industriels d’outre-Manche ont renoncé, semble-t-il, ŕ leurs derničres ambitions pour se contenter d’un rôle finalement médiocre de sous-traitants. Ce faisant, ils prennent un minimum de risques, dépensent peu et obtiennent un bon retour sur investissement. Meilleur, sans doute, que celui qui était atteint ŕ l’époque oů Londres donnait le ton ŕ l’aéronautique européenne.
La boucle est bouclée, aujourd’hui, avec la vente du portefeuille d’avions régionaux de BAE Systems au Fortress Investment Group new-yorkais. BAe-146, Avro RJ et ultimes Jetstream, qui assuraient une solide activité de gestion d’actifs (asset management), quittent ainsi le groupe en męme temps que le Royaume-Uni. Symboliquement, c’est une page d’histoire qui se tourne.
C’est désormais le motoriste Rolls-Royce, et lui seul, qui porte les couleurs anglaises sur le marché mondial de l’aviation civile. Cette entreprise, longtemps affectueusement appelée Ťla grande dame de Derbyť, a toujours bénéficié des soins les plus attentifs, de protections inconditionnelles, de la part des autorités. Les moteurs, en toutes circonstances, ont été privilégiés par rapport aux avions et les grands anciens se souviennent de l’époque oů Rolls-Royce a préféré croire en l’avenir du Lockheed L-1011 TriStar de préférence au projet Airbus. Bien mal lui en a pris !
BAE Systems, pour sa part, ne croit plus au secteur civil. Le groupe dissimule soigneusement son passé aéronautique derričre une appellation abstraite, gčre convenablement l’avion d’appui Hawk et sa participation ŕ l’Eurofighter/Typhoon, travaille le secteur des drones et autres UAV (y compris en partenariat avec Dassault Aviation), serait pręt ŕ prendre la Ťnationalitéť américaine et tourne ŕ présent le dos ŕ ses ultimes activités en matičre d’aviation commerciale.
Il y a 8 ans, choix sans précédent, la production du quadriréacteur régional Avro RJ avait été arrętée du jour au lendemain, les derniers acheteurs étant remboursés pour éviter de construire les avions qu’ils avaient commandés. Nombre de ces appareils étaient exploités en location-bail, tout comme des modčles plus anciens, ATP et Jetstream. De l’asset management trčs actif qui va donc finir sa carričre aux Etats-Unis.
C’est la mort annoncée, aprčs un baroud d’honneur, du BAe-146/Avro RJ, un avion excellent qui aurait mérité une fin plus glorieuse, voire une nouvelle jeunesse. Son histoire est proprement extraordinaire dans la mesure oů il fut conçu en 1973 (il y a plus de 40 ans !) par le bureau d’études de Hawker Siddeley Aviation. Faute de moteur de puissance adéquate pour ce 70 places, il naquit quadriréacteur, et non pas bi, en tant que HS-146. Abandonné puis relancé en 1981, il connut le succčs auprčs de compagnies qui, trčs vite, en ont apprécié l’excellente disponibilité technique. C’est encore le cas aujourd’hui, par exemple chez Brussels Airlines.
L’obsession du retour sur investissement facile a fait tomber aux oubliettes une version bimoteur qui aurait été équipée de deux CFM56 Ťdétarésť et aurait sans doute permis de relancer la commercialisation. Bombardier, Embraer ont alors pris la relčve avec un dynamisme qui, côté anglais, n’existait plus. On imagine volontiers que le Fortress Investment Group ne s’intéresse pas ŕ l’histoire de l’aviation et ignore tout cela. Il a certainement fait une bonne opération, ŕ durée limitée par la force des choses, et aborde ainsi un secteur oů il pourrait bientôt faire beaucoup parler de lui.
Ces New-Yorkais ambitieux gčrent des actifs d’une valeur de 43 milliards de dollars alors qu’ils n’en étaient qu’ŕ deux milliards et demi en 2002. Ils envisagent notamment d’accompagner la percée du C.Series et, contrairement aux dirigeants de BAE Systems, sont persuadés que l’aviation commerciale bien comprise peut ętre sources de profits. S’ils sont encore de ce monde, les créateurs du HS-146 rient probablement sous cape.
Pierre Sparaco - AeroMorning