Au nom du collectif Non à la honte française !, le CRAC Europe a adressé une lettre au résident du Fouquets, au premier sinistre et au ministre des traditions françaises connes et cruelles. Le sujet en est bien évidemment la reconnaissance par la nation de la pratique artistique si délicate des tueurs de taureaux.
Le CRAC Europe, Comité Radicalement Anti Corrida pour la protection de l’enfance, a réuni un collectif de 160 associations européennes pour vous demander la désinscription de la corrida du patrimoine culturel immatériel de la France.
Vendredi 22 avril 2011, l’ancien matador André Viard a annoncé la consécration prétendument culturelle de la torture de bovins en France, alors qu’elle est délictueuse sur les neuf dixièmes du territoire. Des réactions d’incrédulité et d’indignation nous parviennent du monde entier.
Contre l’histoire des civilisations
Les cultures hispaniques, qui, contrairement à la France, pourraient légitimement revendiquer l’héritage de ces spectacles cruels, cherchent justement à s’en détacher. Pour répondre à l’appel de leurs citoyens, la Catalogne espagnole, l’Équateur et le Mexique se dotent de mesures propres à faire progresser la civilisation . Nous n’acceptons pas que le ministère de la Culture ignore ou feigne d’ignorer que 75 % de nos compatriotes se prononcent en faveur de l’abolition de la corrida.
Coup de pouce pour une corrida agonie L’association de promotion de la corrida (ONCT) a entrepris cette inscription pour « donner en France le coup d’envoi d’une campagne […] qui devrait aboutir à plus ou moins long terme à préserver la culture taurine de toutes les attaques dont elle est l’objet au nom de supposés droits des animaux » . Or, selon l’un des porte-parole du ministère de la Culture, il s’agirait « d’un recensement ethnique d’une pratique factuelle [qui] n’apporte aucune appellation morale particulière, ni aide à cette pratique. »
En reconnaissant la corrida, le ministère de la Culture protège incontestablement le spectacle des sévices graves et cruels infligés aux animaux.
Le rapport des aficionados
Le rapport de la commission administrative du ministère de la Culture est consternant :
- Les souffrances atroces ressenties par les animaux sont niées ou minimisées, à l’image de la propagande des aficionados. Nous rappelons donc que chaque taureau reçoit d’emblée trois coups de pique s’enfonçant en moyenne jusqu’à 22 cm sur la zone dorsale, une des plus innervée de son corps. À la fin, les 80 cm d’épée plongée dans le thorax ne sont pas mortels ; pour « détruire » (sic) l’animal, il est nécessaire d’utiliser un poignard dénommé puntilla. Des coups de puntilla répétés, parfois jusqu’à 30, lèsent la moelle épinière plus que le cervelet. Le taureau, le plus souvent paralysé, reste sensible et souffre ainsi pendant son prétendu « tour d’honneur » (sic). Or jamais le terme puntilla n’est mentionné dans le rapport. Les souffrances du taureau, ainsi que celle des chevaux, sont niées.
- Le rapport prétend que le taureau apporte aux citadins « l’image d’une sauvagerie primitive, loin des « actions domesticatoires [qui sont] aussi discrètes et distanciées que possible ». Cette allégation est un honteux mensonge, aucun animal n’est aussi trafiqué que le taureau destiné à la corrida.
- Le rapport prétend que la corrida, peu après l’introduction par Napoléon III (1853), a fait l’objet d’un « engouement rapide ». L’incompétence des auteurs du rapport en matière d’histoire et de littérature du XIXe siècle est surprenante. Les entrepreneurs espagnols ont fait faillite lorsqu’ils ont tenté d’intéresser le public français. Par ailleurs, la résistance anticorrida de l’époque, Zola en tête, s’est immédiatement organisée.
- Les bourreaux espagnolisent leurs patronymes, les taureaux sont importés majoritairement, le vocabulaire technique est en espagnol. Comment le ministère de la Culture a-t-il pu considérer que la corrida de muerte avait été naturalisée ?
Rien sur les écoles taurines subventionnées, qui amputent de très jeunes enfants de leur empathie naturelle, voire les traumatisent à vie, en leur enseignant à larder des veaux de coups d’épée dans le secret d’élevages privés.
Corrida = discorde
Ainsi que Muriel Marland-Militello (4) le met en évidence : « Cette inscription est nulle et non avenue car elle est en totale contradiction avec la convention du 27 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, dont elle se revendique pourtant. En effet dans son considérant final est souligné “le rôle inestimable du patrimoine culturel immatériel comme facteur de rapprochement, d’échange et de compréhension entre les êtres humains”. Or force est de constater que la tauromachie exacerbe les incompréhensions entre les aficionados et l’immense majorité de la population, qu’elle est un facteur de fortes dissensions, de profondes divisions, de violents déchirements, au sein du genre humain. »
La culture française
La corrida empêche la France d’entrer dans l’ère de l’humanisme au sens large prôné par nos écrivains et penseurs : Victor Hugo, Émile Zola, Marguerite Yourcenar, Victor Schœlcher ou encore Claude Lévi-Strauss : « Depuis une quinzaine d’années, l’ethnologue prend davantage conscience que les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports entre l’homme et les autres espèces vivantes ; et il ne servirait à rien de prétendre le résoudre sur le premier plan si on ne s’attaquait pas aussi à lui sur l’autre, tant il est vrai que le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses pareils n’est qu’un cas particulier du respect qu’il devrait ressentir pour toutes les formes de la vie » (5)
Ce n’est pas une culture française. C’est une torture inacceptable d’animaux trafiqués, dont le spectacle traumatise les enfants et suscite un mouvement d’indignation légitime de la part des Français. C’est pourquoi nous vous prions de bien vouloir retirer la corrida de l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France. Espérons qu’un débat parlementaire civilisé rendra sa dignité à la France, en interdisant définitivement la corrida de muerte.
L’intervention malheureuse du ministère de la Culture est à contre-courant de l’histoire des civilisations et de l’opinion française. Il n’est pas du ressort de cette institution de protéger le spectacle des sévices graves et cruels infligés aux animaux, ni de les nier. La corrida est un produit importé auquel se sont immédiatement opposés nos plus grands écrivains.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Culture, l’expression de notre haute considération.
Pour le collectif Non à la honte française !
CRAC Europe
L'original de cette lettre est visible ici : http://www.patrimoine-corrida.fr/node/25