Abdelhamid Mehri est allé à la rencontre de la commission Bensalah, sans le FIS et sans le FFS, pour exprimer sa désapprobation de la démarche de consultation et proposer une conférence nationale “sans exclusive”.
pour ressusciter la formule qui traduisait l’exigence de faire participer le FIS à toute solution politique de la crise.
Mehri voit donc deux défauts à ce processus de réformes tel qu’enclenché : d’une part, sa gestion est le fait d’un pouvoir occulte dont la décision ne s’embarrasse jamais du respect du cadre constitutionnel ou légal, d’autre part, il dépossède “des citoyens”, les dirigeants du FIS, de leur droit à participer à la conception du projet de réforme de la république.
Depuis l’accession de Bouteflika aux fonctions suprêmes, et c’est certainement la raison de son avènement, le régime croit s’attirer l’adhésion des troupes du FIS, en se faisant l’instigateur de la mission de rédemption nationale. Élargissement des terroristes emprisonnés, haro “sur les mauvaises mœurs”, sus aux débits de boissons, hadj gratuit pour les artistes impénitents, adhan télévisé, abandon de la femme à la vigilance moraliste de la rue, projet Grande-Mosquée d’Alger… Mais l’amnistie, qui réhabilite les dirigeants du FIS et autorise leur retour à l’action politique, se fait attendre.
Tout se passe comme si le régime veut islamiser l’État sans le FIS. On peut penser, de prime abord, que le point de vue du régime qui a imposé la réconciliation avec les islamistes et les terroristes devrait converger avec celui du représentant d’une option qui exclut toute perspective de sortie de crise sans réhabilitation du FIS. Or, c’est ce qui pose problème : le système veut bien construire l’État islamiste, mais à condition que ce soit le personnel coopté par le pouvoir occulte qui encadre la mise en œuvre du projet islamiste. Les islamistes, qui acceptent de soutenir le système, quitte à souscrire à la rente en contrepartie de cette normalisation, comme le fait le MSP, sont les bienvenus. Mais ceux qui exhibent un projet de rupture avec le système, de prise de pouvoir donc, sont tenus à distance.
Si, du point de vue du régime, la réconciliation est un renoncement à tout — à la vérité, à la justice, à la force du droit, à la mémoire… —, elle n’est pas un renoncement au pouvoir.
Pour le FIS et ses alliés, Sant’Egidio est toujours à l’ordre du jour. Et si Mehri a décidé d’écrire à Bouteflika, c’est parce qu’il a perçu, dans le contexte du moment, une fragilité politique du système qui rendait possible le recours à la solution Sant’Egidio.
Les propos tenus à la commission Bensalah par l’ancien secrétaire général du FLN ne sont que cela : transformer l’opération de consultation en conférence locale de Sant’Egidio avec les prérogatives de gestion de la transition.
Ce qui aboutit au double résultat : le retrait du “pouvoir occulte” qui rend non opérationnels les textes constitutionnels et législatifs et le retour sur scène du FIS.
La performance est à inscrire au bilan de “la réconciliation nationale”.
Tant de sacrifices moraux et politiques pour en arriver là : remettre en selle le contrat de Rome.
Par : Mustapha Hammouche