Elle arrive cette fois-ci en solo au festival International de Hammamet pour présenter son nouvel album : « Je connais un pays », titre éponyme du très beau texte de Zahi Wahba, qu’elle interprète parmi un bouquet de chansons puisées dans le répertoire qu’elle partage avec Marcel Khalifa, mais aussi dans les compositions jazzy de son mari, Hani Siblini. Oumeima Al Khalil a ainsi exploré de nouveaux registres que sa voix de velours a porté jusqu’aux confins du chant. La petite fille qui chantait « Asfour tall min ecchibek » avec Al Mayadine déploie maintenant ses ailes au grand large pour embrasser le rêve d’ « un pays au cœur grand et à l’imagination féconde … auréolée de doute et de sérénité … qui n’a pas peur de la voix du chanteur et qui ne craint pas les poètes ». Et c’est à l’amour que Oumeima Al Khalil dédie ce rêve, « loin de la politique », en le constellant de noms inoubliables, La Palestine, l’Irak, Le Liban, Mahmoud Darwich, Marcel Khalifa … confondus en un seul pays incommensurable. Elle débute son récital avec « Kolt bektoblak » (Je vais t’écrire), enchaînant avec « Descendant de la blessure ancienne », extrait de « Ahmad Al Arabi », puis « Haifa », en hommage à Darwich qui est « l’âme de la Palestine » dira-t-elle. Elle reprend également « Asfour tall min ecchibek », la chanson avec laquelle elle a révèle au public sa voix angélique aux côtés de Marcel Khalifa, ainsi que « Ya habibi taala » de Ismahane, « Kol lil maliha » et « foug ennakhal », célèbres chansons du patrimoine irakien. Toutes ces reprises qu’elle interprète cependant sur de nouveaux arrangements concoctés par le talentueux pianiste et compositeur Hani Siblini qui fait éclore les multiples possibilités vocales de Oumeima, aussi à l’aise a capella qu’accompagné par des musiciens versés dans le style jazz oriental. Radieuse, l’artiste libanaise a ravi le public avec ce concert qui est sans doute l’une des plus belles soirées de cette édition. Rappelons que Oumeima Al Khalil a débuté une carrière solo depuis quelques années tout en continuant à accompagner Marcel Khalifa dans ses tournées. Elle compte déjà à son actif trois albums : « Khalleeni Ghanneelak » en 1994, « Oumeima » en 2000 et « Oumeima, Ya ! » en 2005. Pris dans les rets de cette voix fabuleuse, qui convainc tantôt par sa force et tantôt par sa sensualité, le public était fin prêt pour découvrir le tout nouveau répertoire de Oumeima qu’elle présente en seconde partie sur les compositions étonnamment riches et épurées de son mari Hani Siblini. Des compositions que rehaussent l’improvisation des musiciens qui l’accompagnent et la beauté et la modernité des textes choisis que l’on doit à des poètes inspirés comme Nizar Al Hindi, qui contribue avec trois textes sur cet album : « la dek », « ya sidi » et « Kalbi al atchane », mais aussi le très beau poème du journaliste Zahi Wahbi « Je connais un pays », titre-phare qui empreint ce dernier album d’une aura particulière. Car ici, la poésie et l’imagination, en même temps que la justesse et la maîtrise de Oumeima et de Hani semblent véritablement avoir atteint leur apogée. Et derrière eux, au fond de cette belle scène du Théâtre de Hammamet, la mer aux reflets argentés a semblé, un moment, s’agrandir au passage d’une mouette au ras des arbres…