Il s’agit assurément du film le plus attendu de l’année et du festival de Cannes. Et pour cause, Terrence Malick se fait suffisamment rare et discret pour que chacun de ses films soit un évènement pour les cinéphiles. Évidemment, plus l’attente est forte, plus le risque de déception l’est également. Alors The Tree of Life est-il un chef d’œuvre ou un pétard mouillé ? Un peu des deux en fait.
Fidèle à lui même, le réalisateur laisse une place prépondérante à la nature et à l’authenticité. Ainsi, on ne pourra jamais lui reprocher de mettre devant nos yeux des images de toute beauté. Ici chacune d’entre elles est un tableau qui fascine. Chaque plan est d’une beauté naturelle confondante et raconte en même temps tellement de choses. Malick filme avec une grâce incroyable chaque scène, arrivant à en retranscrire comme personne les émotions de l’instant et des personnages. Les yeux (trop) souvent levés vers le ciel, on se sent en communion avec la nature dans une poésie d’images et de sons (l’ambiance sonore naturelle et la musique composée et choisie sont parfaites, envoûtantes, comme un murmure reposant) qui laisse pantois. Oui, The Tree of Life est beau, magnifique, sublime même.
Mais pour autant qu’il est d’une poésie à couper le souffle, The Tree of Life n’est pas exempt de défauts. Ainsi, le plus lourd à porter sera son découpage. Le film se compose de plusieurs parties entrelacées : l’apparition de la vie sur terre, l’enfance d’un môme élevé à la dure par son père et ce même gamin des années plus tard regardant son passé par la porte. Mais en fait, hormis la partie centrale, il n’y a pas grand chose d’intéressant. Ainsi la formation de l’univers et l’apparition de la vie arrive dès le début comme un cheveu sur la soupe. On sait que Malick veut relier la grande et la petite histoire mais, ici, c’est fait avec autant de subtilité qu’un éléphant (ou plutôt d'un dinosaure) dans un magasin de porcelaine. Ces images de galaxies et d’éveil de la vie sont magnifiques et hypnotisantes, tout autant qu’un bon documentaire le serait, mais sans les murmures plaintifs, envoûtants, mais redondants de la voix off.
Puis arrive le cœur du film dans lequel Brad Pitt et Jessica Chastain élèvent leurs 3 fils dans les années 50. Le contexte est propice à nombre de cavales dans les prés si chers au réalisateur mais surtout à raconter comment va grandir l’un de ces enfants, la manière dont il va apprendre la vie, que ce soit par la dureté de son père ou par la douceur fragile de sa mère. Un portrait juste et touchant dans lequel le réalisateur arrive à merveille à capturer les non-dits des acteurs avec une force exceptionnelle, le jeune Hunter McCracken en tête. Ici, on voit les enfants grandir, au naturel, nous rappelant à tous des souvenir de ce que nous avons pu vivre enfants ou d’autres souvenirs de parents (premiers pas, jeux, contrariétés, relations contradictoires avec les parents), on peut tous s’y retrouver d’une certaine manière. Mais là aussi, et malgré une histoire captivante, cela pêche. Terrence Malick étire son récit trop en longueur et se répète sans arrêt, si bien que l’on a vite compris où il voulait en venir et donc l’issue tarde à arriver.
Enfin arrive la dernière partie avec Sean Penn (anecdotique), notre jeune garçon, qui a grandi et prend du recul sur ce qu’il a vécu et son éducation, s’étant éloigné au maximum de sa famille et de ce qu’elle représente pour la contempler avec nostalgie et amour. Une conclusion plus spirituelle qui incitera à méditer sur la vie et son sens profond. C’est beau comme discours mais tout de même mis en scène de manière assez pompeuse après les lourdeurs précédentes.
The Tree of Life est donc en cela victime d’un déséquilibre total dans sa construction avec des séquences largement dispensables et d’autres trainant en longueur malgré la sincérité du propos. Le projet était sans doute trop ambitieux pour Terrence Malick qui aurait peut-être mieux fait de dissocier l’histoire centrale, très personnelle, authentique et touchante, de l’histoire de la vie, naviguant entre documentaire scientifique et spiritualité. Mais malgré les longueurs, le film est d’une beauté formelle qui ne manquera pas d’embarquer les plus avertis dans un voyage sensoriel qui ne peut être vécu qu’au cinéma. Il est clair que le film ne laissera pas indifférent et on ne ressort pas de la salle comme on y est entré. Alors sans doute est-ce là le signe que, malgré tous les défauts qu’on pourra lui trouver, The Tree of Life serait un film qui a besoin de mûrir dans nos esprits et nos cœurs ? Le temps nous le dira.
Frédérik PORQUIER
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Terrence Malick, poète panthéiste du 7e Art
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