Le sujet de ce billet est hautement triste, mais je n'arrive pas à le traiter autrement que sur ton léger, à la limite du comique. Une histoire d'horreur racontée dans un salon de coiffure. Il y a plus de deux ans, j'ai écrit un billet (le lien) sur les affres d'un blanc qui souhaite se faire couper les cheveux en Haïti, je parle de 'couper' et non de 'raser'. Les ayisien sont effectivement plus sur le monde tonte, les barbiers n'ayant pas beaucoup d'expertise avec les ciseaux. La solution est de passer dans un salon de coiffure pour femme, les barbières sont meilleures avec des ciseaux. La dominicaine qui me coupe les cheveux ne parle ni français, ni anglais et ni créole. Je lui montre l'ampleur de la coupe entre mon pouce et mon index, ça devrait bien aller. Ma voisine se fait shampouiner en racontant aux deux autres femmes qui attendent la fin de la coloration qu'elle vient de rénover complètement la maison de Pacot. Tout y a passé, jusqu'à la piscine. En finissant de raconter ses rénovations, elle leur a raconté son enlèvement. "J'ai été chanceuse, ils ne m'ont ni violée ni tuée !" La femme raconte le tout sur le ton léger d'une confidence insignifiante, confidence que tout le salon peut suivre. On aura droit à tous les détails ... en détail. Comment ils l'ont attrapée : "C'est de ma faute, je me suis trompée de rue, c'est pas mois qu'ils attendaient". La violence de ses conditions de détention : "J'avais toujours les yeux bandés, je ne pouvais donc pas prévenir les coups de poing au visage qu'on me donnait !! Je suis sortie de là le visage complètement tuméfié, si j'avais pu voir venir les coups, j'en aurais peut-être évité quelques uns". L'attitude de ses geôliers : "C'est toujours le même qui me battait et qui criait après moi, l'autre, il venait me consoler quand je pleurais". Je ne savais plus quoi faire de mes préjugés sur les discussions de salon de coiffure ?? Il y avait dans le ton de cette dame et dans la réaction de ses amies quelque chose de complètement léger, presque anodin, complètement à l'opposée de l'histoire qui était racontée. Je regardais le miroir devant moi en cherchant la caméra cachée, persuadé qu'on allait m'annoncer que c'était une blague. Je suis sorti du salon et la conteuse n'avait pas encore diminué son débit. Je continue de ne pas savoir quoi penser de cette scène, elle navigue dans des eaux absurdes.