En 2009, Benoit XVI donnait une clef de réponse en République Tchèque : la liberté. A ce peuple qui s'était libéré du joug communiste mais semblait parfois s'enfermer dans la dictature du matérialisme, il avait paisiblement posé cette simple question : qu'as-tu fait de ta liberté?
Un premier mot est donc jeté, celui de "liberté". Un mot connu, entendu, voire rebattu. Mais dans la bouche de Benoit XVI, le mot "liberté" est à comprendre au regard de Saint Jean : "la vérité vous rendra libres" (8, 32).
Liberté donc, puis vérité...
Ainsi, dans son dernier ouvrage Jésus de Nazareth (tome 2), le pape approfondit avec brio ce thème en s'appuyant sur Ponce Pilate. "Est-ce que la politique peut prendre la vérité comme catégorie pour sa structure?" Lors du procès de Jésus, Ponce Pilate hésite entre deux chemins. Celui de la paix civile et du pragmatisme; ou celui de la vérité d'un homme qui ne semble pas être si dangereux que cela. "En fin de compte, c'est l'interprétation pragamatique du droit qui l'emporta chez lui".Or la suite des événements montra qu'il a eu tort.
Vérité, liberté. Nous voilà au coeur de l'enjeu politique. La société, les révolutions, les gouvernements ne devraient-ils pas s'appuyer sur ces deux piliers pour permettre à l'humanité de participer à une évolution positive et efficace du monde?
Cette interrogation me conduit à introduire un nouveau concept. Celui des sociétés pionnières. Lorsqu'on observe Israël (hors du débat politique) et qu'on analyse son développement agricole puis économique, industriel et technologique, on peut se demander par quoi tout ceci est mû. De même les Etats-Unis voire l'Europe des siècles passés. Il me semble qu'une partie de la réponse réside dans ce double pilier liberté/vérité.
Il est fascinant de constater à quel point les sociétés pionnières, lorsqu'elles sont ancrées dans un corpus de valeurs spirituelles et guidées par une liberté positive, sont sources d'espérance et de croissance. Chacune de ces sociétés pionnières a dû ou doit faire face à des contradictions, des luttes, des reculs parfois. Mais elles se relèvent, unissent leur peuple et avancent justement quand elles s'appuient sur des valeurs humaines. Sur une "vocation". "Pour un peuple, la plus sûre étoile dans la tempête, c'est la fidélité à sa vocation." (Charles de Gaulle)
Certains diront que cette "vocation" n'est en rien la vérité mais n'est qu'une vérité parmi d'autres. Une idéologie bonne à mobiliser des troupes qui fait bien souvent des ravages. Je pense, au contraire, que l'histoire répond très simplement à cette objection. Les idéologies immorales qui enferment ou détruisent ne bâtissent pas. Bâtir, ce n'est pas dominer. Bâtir, c'est libérer les énergies créatrices, mettre en oeuvre la charité, orienter vers quelque chose de plus grand. Or dans le christianisme, le grand est petit et le petit est grand.
Les sociétés pionnières réussies se fondent sur ce principe de petite grandeur créatrice. Plantée dans un terreau de charité, la petite graine devient un arbre de culture, d'innovation, d'intelligence, de bien-être. Parce que la petite graine sait où elle est et sait où elle veut aller. Vers le soleil.
La Pentecôte nous le rappelle : "comme mon Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie." (Jean, 20, 21). Que l'Esprit-Saint de Pentecôte revienne souffler du côté de l'Europe afin que plantée dans ses racines, elle retrouve ses ailes.
"La paix fut en ce cas plus importante pour lui (Ponce Pilate) que la justice. Non seulement la grande et inaccessible vérité devait passer au second plan, mais aussi celle du cas concret: il crut ainsi accomplir le vrai sens du droit - sa fonction pacificatrice. Ainsi, peut-être apaisa-t-il sa conscience. Sur le moment, tout sembla bien aller. Jérusalem resta calme. Toutefois le fait que la paix, en dernière analyse, ne peut être établie contre la vérité, devait se manifester plus tard." (Benoit XVI, Jésus de Nazareth).