C’est la fin de la saison et l’heure des bilans. Difficile d’avoir des certitudes sur les véritables leçons de ces 12 derniers mois pour le rugby français. Essayons quand même d’y voir plus clair point par point.
Une saison décevante en termes de résultats :
Après une saison 2009 – 2010 qui avait vu l’équipe de France réussir le Grand Chelem et une finale Biarritz – Toulouse de HCup, il était sûr que le risque existait de faire moins bien. Idéalement, un peu moins bien. Autant dire que, côté équipe de France, on a de quoi être déçu avec une saison qui s’est déroulée comme une litanie sans fin voyant une équipe nationale courir, tel un poulet sans tête, vers un fond de jeu qu’elle se refuse de mettre en place, trouvant toujours des nouveaux joueurs et de nouvelles excuses pour ne pas avancer dans la bonne direction. A maintenant moins de 3 mois du démarrage de la Coupe du Monde, autant dire que le bilan de la saison est donc catastrophique. L’équipe de France est en chantier sur bien des points : une paire de centres indéfinie, un arrière à trouver, une charnière qui grince, une deuxième ligne qui alterne les hauts et les bas et surtout une infirmerie qui fait passer le squad de la prochaine Coupe du Monde pour un centre de gériatrie, autant dire que les chantiers ne manquent pas et que l’on est pas encore au bout de nos surprises.
2 mois de préparation doivent permettre de préparer physiquement les joueurs et de donner de l’ampleur au jeu de l’équipe. Dans le cas de l’équipe de France, il n’est même pas sur que les joueurs retenus puissent se rendre sur le terrain pour se mettre dans des conditions de match d’ici la Coupe du Monde. Quid d’Aurélien Rougerie qui aura du mal à être à 80% fin juillet et 100% début septembre, de Maxime Mermoz qui a très peu joué ces 2 dernières saisons, de Fabien Barcella et de Thomas Domingo avec lesquels on pourrait faire un pilier à condition de prendre une jambe à l’un et une jambe à l’autre, sans parler de William Servat, arthroscopie pour devoirs de vacances, Fulgence Ouedraogo, main au frigo pendant la saison chaude, et ceux, encore, qui, pendant la période de préparation, connaîtront des alertes plus ou moins importantes ? Autant dire que, si l’on voulait démarrer la Coupe du Monde avec le plus de handicaps possibles, on ne s’y prendrait pas autrement. On peut toujours arguer que c’est, justement, dans de telles conditions que la France, généralement, réalise des exploits. Là, effectivement, la performance sera de taille vu d’où l’on part !
Au niveau des clubs, il est bien sûr dommage de s’être arrêté en demi-finale de HCup pour Toulouse et Perpignan, mais le Leinster et Northampton étaient des belles machines qui nous ont offert une fantastique finale. En fait, il faut plus parler d’exploit en 2010 que de contre-performance en 2011. 2 clubs demi-finalistes est une bonne performance et une place en finale ne peut pas être quelque chose d’acquis juste en brandissant un drapeau français. Après ces 2 dernières saisons, le niveau de performance est élevé pour les clubs de l’hexagone. A eux de continuer sur la lancée en 2011 – 2012. Je pense, là, plus particulièrement à Toulouse, évidemment, mais aussi au Racing-Métro au vu du tirage au sort des poules.
Un Top14 en pleine mutation :
Après avoir récompensé, ces dernières années, 2 équipes qui couraient depuis longtemps après un titre, Perpignan et Clermont, le Top14 a connu une sorte de révolution avec l’accession de Montpellier, inconnu à ce niveau de performance, en finale du championnat et la formidable bagarre entre Castres, le Racing-Métro, Toulon, Biarritz, Perpignan, Bayonne en plus de Toulouse, Montpellier et Clermont. Un vent nouveau a semblé souffler sur une compétition jusque-là très hiérarchisée et l’exclusion des Catalans et des Varois des phases finales en a été la preuve. Avec une course au recrutement qui bat son plein et qui voit des clubs comme Bayonne attirer des joueurs du calibre de Rokocoko, Philips ou Chisolm, on peut se dire qu’une nouvelle ère s’ouvre définitivement pour le Top14, avec un ressèrement en tête de l’élite qui verra les 6 qualifiés pour la HCup n’être jamais complètement les mêmes d’une saison à l’autre.
Cette tendance se trouve renforcée par le profil des nouveaux promus, Lyon et Bordeaux, la 3ème et la 6ème villes françaises, rien que ça. Le remplacement de La Rochelle et d’Albi par de telles puissances économiques est aussi le sens d’un mouvement de fond qui ne fait que mettre à niveau un sport dont la représentation géographique était pour le moment encore déséquilibrée et n’était finalement que la résultante de l’incapacité de la FFR à développer le rugby au-delà de ses zones d’implantation naturelle. Le rugby est maintenant un sport majeur qui développe sa propre logique économique et un certain intérêt auprès d’un public de plus en plus grand. Il ne sert à rien de savoir si l’on est pour ou contre, c’est un fait et il faut faire avec que l’on soit de Tyrosse ou de Lille.
Par rapport à la saison de Top14, des grincheux se sont plaints du spectacle. C’est vrai que la course à l’armement musculaire a tendance à faire que les entraîneurs pensent d’abord à remporter le défi physique avant de proposer un jeu dynamique et complet. En même temps, cette saison a vu l’avènement de Montpellier qui a su, en maintes occasions, multiplier les temps de jeu pour donner le tourmis à ses adversaires et le sacre d’une équipe de Toulouse qui, en bien des fois, a démontré une maîtrise extrême d’un jeu complet sachant alterner entre puissance et vitesse. En ce qui me concerne, je trouve les rencontres maintenant plus cohérentes sur leur durée grâce à une règle des bonus qui fonctionne bien et à un niveau équilibré qui fait que beaucoup de matchs ne basculent pas avant l’heure de jeu voir même plus tard. L’incertitude quant au résultat est aussi un paramètre qui entre en compte pour expliquer la frilosité d’équipes qui ont peur de se faire contrer et d’offrir le score à leurs adversaires. Il faudra encore attendre quelques saisons avant que tout le monde n’intègre le fait que la proximité des niveaux ne doit pas être un frein au jeu, au contraire.
En tout cas, on ne peut pas reprocher au championnat national de se rapprocher des standards internationaux alors que, de toute façon, ce sont les mêmes qui se plaignent que, soi-disant, le Top14 n’est pas un tremplin pour l’équipe de France. Sans parler bien sûr du fait qu’il y a trop de joueurs étrangers, bien sûr ( rappelez-vous l’analyse de B. Laporte au sortir de la Coupe du Monde 2007 ) alors que cette saison ( ou la précédente ) se sont révélés des joueurs comme Domingo, Lakafia, Huget, Doussain, Lacombe, Chavancy, Fofana, Machenaud, Lauret, Guyot, Bézy, Cazeneuze sans parler des Maestri, Schuster, Vilaceca et autres Planté.
Seul véritable point noir à mes yeux cette saison, le fait que la guerre de tranchée entre la FFR et les clubs ait repris de plus belle après le kidnapping des votes français auprès de l’ERC par le président Camou, vote qui revenait de droit à la Ligue et aux clubs. Le grand perdant continue, dans cette affaire, à être l’équipe de France et le seul élément positif, en ce moment, est la progressive montée en puissance de Serge Blanco à la fédération. Le président Biarrot pourrait être un lien idéal entre rugby professionnel et amateur mais, même si cela arrive, ce ne sera pas encore avant quelques années…
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