Elle prend la ville à témoin, avant d’en faire un décor ; risqué ! Et comme la nuit sert d’écrin à cette histoire, on s’y perd un peu. Dans la ville, et dans l’histoire. Et dans l’aventure de ce couple improbable. Il vend du vin au cœur de Tokyo, elle travaille dans un marché de poissons. La nuit elle tue. C’est comme ça qu’ils se sont rencontrés : l’homme est sa prochaine victime, désignée par un beau-père qui ne supporte pas le suicide de sa fille.
Isabel Coixet, ne filme pas un thriller amoureux, ou alors sans amour, ni haine, ni violence. Les corps à corps qui s’échangent, d’abord sensuels, puis érotiques, composent des étreintes sans lendemain, dans l’attente d’une mise à mort programmée. Mais très vite le contrat du magnat japonais nous indiffère, malgré ses rappels à l’ordre.Si la réalisatrice le suit à la petite semaine, c’est pour mieux sublimer le rapprochement entre ses deux êtres, les magnifier, les rendre beaux.Une poésie du cadre et de la lumière, un son adéquat (le narrateur, ami de la jeune femme, enregistre tout ce qu’il peut) posent ainsi les règles de ce cinéma fragile, qui très vite trouve ses limites.
On peut y voir quelques références, pour le décorum et l’ambiance qui flirtent avec la fascination d’un Wong Kar Waï, mais plus certainement une addiction à un cinéma extatique, où la magie du verbe subjugue autant que celle de l’image. Comme ici, l’un et l’autre s’accordent sur un même mode de représentation minimale, c’est au spectateur de choisir. Son histoire, sa ville.
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Personnellement la qualité des interprètes me fait pencher pour le récit amoureux avec lequel Rinko Kikuchi, et Sergi López,assument joliment leur partition . Non pas pour quelques scènes torrides, mais bien pour la fragilité de leurs personnages auxquels ils donnent vie . Deux solitudes au cœur de la foule indifférente. C’est un cinéma à minima, volontairement réducteur, qui se livre peu. Là encore le spectateur doit faire le premier pas.
LES SUPPLEMENTS
Bande-annonce
Deux scènes coupées (4 min). Elles n’apportent effectivement rien au film.
Rinko Kikuchi, déjà remarquable dans " Babel"
Journal de bord (33 min)
Un véritable bonus à travers les commentaires de la réalisatrice enregistrés au fur et à mesure du film. Plutôt inquiète sur l’accueil qui pouvait lui être réservé, elle nous parle des sacrifices qu’il faut faire lors du montage. « Mais ils sont nécessaires pour préserver l’intégralité du film » dit-elle en s’excusant auprès des comédiens qui pourraient en pâtir. Elle rappelle le bon mot de John Cassavetes, qui disait qu’un « réalisateur ne devait pas tomber amoureux de l’un de ses plans ».
Elle remercie aussi les deux comédiens principaux « ils m’ont obéi, sans jamais protester. Ils ont travaillé en complicité. (…) Je suis parfois emmerdante, et certains dans l’équipe ne doivent pas me supporter, mais c’est inconscient, j’ai un objectif et si je ne l’atteins pas à cause d’erreurs stupides, je suis en colère ».
Autour du festival de Cannes (de très mauvaises images, et sans son) on devine la déception