Le documentaire d’Asif Kapadia revient sur toutes les étapes et les innombrables rebondissements qui ont conduit au mythe Senna, tué pied au plancher sur le circuit de San Marin lors d’un week-end noir pour le sport automobile, en 1994. S’appuyant sur des images d’archives, Asif Kapadia nous fait revivre, avec un regard de passionné totalement dévoué au pilote brésilien, la révélation de Senna pilote sous des trombes d’eau à Monaco en 1984, grand prix durant lequel il remontait treize places au volant d’une modeste Toleman ! Son coup de volant illumina les paddocks et les spectateurs. Un futur très grand pilote naissait. Mais déjà, il se voyait refuser la victoire au profit d’un certain Alain Prost (après application du règlement, donnée essentielle sur laquelle Asif Kapadia n’insiste pas toujours)…
Fin des années 1980. Le tarmac brûle et les Mc Laren volent sur la Formule 1, discipline reine du sport automobile. Retour dans l’arène des Grand Prix de F1 et l’affrontement Prost/Senna. Les sports individuels ont ceci de particulier : ils permettent de façonner des champions aux égos surdimensionnés, prêts à tout pour atteindre leur objectif suprême (auxquels ils se consacrent parfois exclusivement) avec une foi sans borne (le mystique Senna en est l’exemple parfait) et une confiance en soi qui peut virer à la condescendance et aux manoeuvres les plus dangereuses. Senna le dit : le sport est politique. Il n’y a qu’une place pour le roi. Et les images en attestent : tous les coups sont permis. La guerre ouverte entre Senna et Prost est sans égal, quasi fratricide : dans cent ans, on la revivra encore comme du direct tant la lutte fut intense et irraisonnée. Il n’y a pas de champion sans grand rival. Ce que traduit le regard vide de Senna, bien seul au volant de sa Williams Renault après la retraite de Prost (parti sur un titre de champion) en 1994, conscient à ce moment-là des risques courus par les pilotes de F1.
Dans la discipline la plus rapide du sport automobile, l’insouciance de ces deux champions demeure intacte, plus de vingt après les dépassements kamikazes en course, les pôles positions arrachées et les coups bas toujours discutés.
Ce documentaire ne brille pas par son objectivité – il est partial et anti-Prost – mais c’est vraiment le plaisir de retrouver de la F1 et deux de ses plus illustres pilotes sur grand écran qui fait de Senna un documentaire plus que séduisant. Ces images pourtant connues trouvent une nouvelle jeunesse en salles (malgré leur piètre qualité). Le retour sur ce week-end meurtrier à Imola (marqué par l’accident spectaculaire de Rubens Barrichello, la mort de Roland Ratzenberger avant celle de Magic Senna) glace encore le sang. Un documentaire pour les passionnés et les autres !