T'ES PAS LA SEULE À ÊTRE MORTE !
traduit de l'islandais par Eric Boury
Bon, rien qu'avec le titre, on se doute que l'on n'a pas affaire là à un roman classique et ordinaire. Encore que pour un Islandais, il est fort possible qu'il le soit!
J'ai lu ce livre à la lumière de l'introduction du traducteur que j'ai trouvée vraiment instructive sur la culture et la littérature islandaises et qui m'a du coup permis d'aborder ce récit moins déroutée que j'aurais pu l'être, et avec plus de sourires, je pense, car il y a un effet comique certain dans ce décalage culturel que j'ai ressenti à la lecture de ce récit!
En effet, je passe sur la cohabitation quasi naturelle du visible et de l'invisible qui date de la nuit des temps, en atteste toute la mythologie scandinave qui explique qu'il n'y a pas de
bizarrerie pour un Islandais dans le fait que le monde des morts soit aussi réel (vivant j'allais écrire
En ce qui concerne la langue islandaise elle-même, l'évolution qu'elle a subie depuis l'époque des sagas est presque un épiphénomène. Certes, de nouveaux mots ont été créés, d'autres ont vu leur sens glisser, mais la structure est demeurée pratiquement intacte. Cette évolution très modérée de la langue permet au premier Islandais venu de prendre un texte de saga et de le lire presque comme s'il ouvrait son quotidien pour s'informer du programme de télévision de la soirée."
Cette petite révélation m'a permis d'être moins déstabilisée par ce récit car c'est vrai que cet aspect pourrait expliquer bien des choses sur le fait que nous, du moins, moi, je puisse être désorientée par un récit qui serait limpide pour un Islandais, et c'est ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant, ce gouffre culturel que j'ai ressenti à la lecture de ce récit qui m'a donné l'impression de lire de l'extraterrestre par moment (des fois j'en éclatais de rire tellement c'était spécial). Non pas du fait de l'histoire en elle-même, mais plus dans l'attitude, le comportement décalé (pour moi) des personnages dans leur rapport à la mort, dans ce contexte où les membres de la famille meurent les uns après les autres mais eux, les vivants parlent de bouffe, de sexe, alors même que les cadavres gisent dans la même pièce qu'eux, c'est trop bizarre. Tout ceci donne une impression de situations et dialogues décousus qui donnent lieu à des réparties étonnantes car complètement inhabituelles.
J'étais moins surprise par l'idée plutôt amusante de l'auteure de faire intervenir, dans le monde des morts, Hemingway, Leonard de Vinci et Dieu en personne qui apparaît à chaque fois que quelqu'un s'exclame "Mon Dieu!", que par tout se qui se tramait côté monde des vivants où j'avais du mal parfois à trouver mes repères, et pourtant le récit est très clair, j'entends par là qu'il n'y a pas à proprement parler d'incohérence narrative, ni rien de fondamentalement absurde non plus.
Rien que le titre et ce qu'il peut évoquer d'étrange, d'interpellant, d'intrigant, d'inhabituel, de drôle aussi et d'irrévérencieux, pourrait résumer tout ce qu'on peut ressentir en lisant ce livre. D'un côté, on a l'impression que ça ne veut rien dire car on ne voit pas dans quel contexte on pourrait le dire, et en même temps cette phrase est très correcte et se comprend aussi si tant est que l'on est un peu sensible à l'humour noir. L'auteure en tout cas n'en manque pas!
Repéré chez Mélopée qui en a une lecture enthousiaste, lecture commune avec Loo de Une pause livre, et également commenté par Joelle qui n'a pas aimé.
Pour ma part, je ressors de là encore un peu décalée, pas très sûre d'où je reviens ni d'où j'étais, mais le voyage ne fut pas désagréable.
L'auteure
Kristín Ómarsdóttir est née en 1962. Romancière, elle est également poète, dramaturge et auteur de nouvelles. Elle a reçu plusieurs prix littéraires dont, en 1998, le Nordic Playwrights Prize octroyé par l’UNESCO. Mon amour, je me meurs! est son troisième roman, le premier traduit en français.