Je vois ton regard perplexe, ami lecteur… Non, je ne suis pas fou et non, je ne suis pas devenu gay. Laisse-moi tenter de t’expliquer ce comparatif certes osé mais pas si fou qu’il n’y paraît !
L’uniforme, tout d’abord. Comme les footeux, les danseuses se présentent habillées du même habit de lumière. Le maillot sponsorisé et numéroté, le short, les bas et les crampons laissent ici la place aux robes à paillettes, aux bas nylon et aux chaussons.
Comme les footeux, les danseuses s’entraînent dur, une ou deux fois par semaine, pour être prêtes le jour J. Chaque geste est répété, encore et encore, pour qu’il devienne aussi naturel qu’un crochet du droit ou un passement de jambe.
Mais outre ces observations faciles et peu recherchées, c’est le côté sport collectif qui m’a le plus marqué. Car si chaque danseuse est là avant tout pour elle-même, que ce soit par passion pour la discipline, par envie de faire des rencontres, de consolider une amitié ou de perdre quelques bourrelets superflus (en ce sens, les mêmes motivations valent déjà pour le footeux amateur et sa panse à bière), elle fait partie d’un tout où chaque petite erreur peut faire foirer la choré la mieux huilée, comme un défenseur peut mettre son équipe en danger en manquant une intervention, par exemple. Chaque retard d’une demi-seconde, chaque chute d’accessoire ou chute tout court doit être gommée illico, la musique continue, tout comme le match continue quand on encaisse un auto-but, qu’un joueur se blesse ou est expulsé.
Certaines danseuses peuvent se distinguer des autres, possédant visiblement ce don naturel pour enchaîner les pas. Comme l’attaquant vedette, cette danseuse étoile est mise en valeur, sur le front de l’attaque, profitant de ses semblables peut-être moins douées mais sans qui elle ne serait rien pour se montrer sous leur meilleur jour. Wayne Rooney, Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi n’iraient nulle part sans une équipe dans leur dos.
Si la star capte la lumière et nous régale d’arabesques minutées comme un crack du ballon enchaîne les gestes techniques, il y a, comme en football, la petite préférée, celle qu’on regarde avec tendresse et admiration. Certains préfèrent cent fois un Park ou un Fletcher à un Rooney, moi je craquais pour une petite blonde qui rayonnait à l’arrière-plan, figeant sur mon visage un sourire béat mêlant fierté et stupéfaction et qui effaçait par sa présence toutes les autres autour, comme un papa n’aurait dieu que pour son gamin sur le terrain B du village à côté, que le fils de la boulangère plante cinq buts ou non, c’est son fiston le meilleur.
Et derrière ces acteurs travaillent, dans l’ombre, des profs qui s’investissent sans s’économiser pour que la représentation soit nickel chrome, comme Sir Alex Ferguson prépare un match, confiant des responsabilités à l’un ou l’autre joueur, répétant des phases pour qu’elles deviennent aussi machinales qu’un enchaînement en huit temps, mettant au point LA stratégie susceptible d’apporter triomphe et gloire.
Ajoutez à cela les files à l’entrée de la salle de spectacle tout à fait comparables à celles qui se ruent sur les tourniquets du stade, la prise d’assaut du bar à l’entracte comme celle de la buvette à la mi-temps ou les larmes pour celle qui a décidé de mettre un terme à sa carrière et vous comprendrez que oui, la danse et le football ont bien des choses en commun et si, là où une semaine sans le sport roi peut parfois sembler une éternité, un spectacle de danse par an me suffit amplement, je voulais au moins une fois rendre hommage à cet art tout aussi noble. J’ose espérer que vous me pardonnerez cette petite folie. De là à imaginer Vidic en tutu…