La critique de Claude :
C’est un ouvrage glané au rayon historique de l’excellente Librairie Julliard, 227 bd Saint Germain, à Paris.
Il contient des informations sidérantes : son auteur, Basil Liddell Hart (1895 - 1970), maître britannique incontesté de l’art militaire, a obtenu l’autorisation de rencontrer, juste après la guerre, en captivité ou en prison, quelques uns des généraux les plus importants de la Wehrmacht, tels Guderian, von Rundstedt, von Thoma, l’adjoint de Rommel, Kesselring, Manteuffel, etc.
C’était une époque où l’on attribuait aux SS la totalité des crimes de guerre, sans mettre en cause les armées et leurs chefs, ce qui s’est révélé inexact dans la décennie 70. Donc, Liddell Hart pouvait parler « tranquillement » à ces généraux qui se confiaient volontiers à un expert dont la curiosité les flattait. Aujourd’hui, nous connaissons l’étendue des crimes qui ne peuvent être imputés à la seule SS, donc nous sommes naturellement méfiants à l’égard des interlocuteurs de Liddell Hart. Il n’empêche que leur témoignage est utile pour comprendre le point de vue « de l’autre côté de la colline ».
Disons tout de suite que la non-réédition en France (avant 2011) de ce livre sorti en 1948 est peut-être due au tableau crucifiant qu’elle donne de l’Etat-major français de 1940. Dans les Ardennes, les Allemands n’arrivent pas à croire à l’absence de réaction et craignent un piège. Ils savent qu’une intervention cohérente de l’aviation française conduirait à une seconde bataille de la Marne, mais rien ne vient. Ce livre est durement critiqué par des lecteurs français sur internet, tant il est vrai que les Français ont toujours du mal à accepter la réalité.
Le vrai sujet du livre, c’est le conservatisme des Militaires,que j’ai pour ma part pu mesurer sur des sujets plus modernes (la dissuasion par exemple) en suivant, en 1983 l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). En Allemagne comme au Royaume Uni et en France (malgré le Colonel de Gaulle, très isolé), les Etats-majors ne comprennent pas, dans les années 30,ce que la vitesse et la puissance du char a changé dans les opérations de guerre. Ils veulent disperser les chars dans les unités d’infanterie, ce à quoi ils arriveront pleinement en France, pour notre malheur. On dit souvent que Guderian a au contraireimposé sa conception à la Wehrmacht ; Liddell Hart démontre que ce n’est pas entièrement vrai : l’organisation, suffisante contre les Alliés à l’ouest, s’effondrera devant la puissance russe puis américaine.
Il y a beaucoup d’autres informations dans ce livre, sur la personnalité d’Hitler notamment, magistralement décrite depuis par Ian Kershaw, universitaire britannique, dont les ouvrages sont à recommander aux passionnés de cette terrible Histoire.
Les généraux allemands parlent, de Basil Liddell Hart aux Editions Perrin, collection Tempus Poche, 560 pages, 10 €