Cabeza de Vaca, c’est quoi ? Une double ignorance, déjà. D’un film, maudit, mexicain, boudé pendant plus de vingt ans, radical. D’une Histoire, méconnue, coloniale, majeure pour les thématiques qu’elle aborde, celle d’un explorateur espagnol adopté par une tribu d’indigènes après un naufrage près des côtes de la Floride, et une marche de huit années de l’Amérique, jusqu’au Mexique. Aux frontières du documentaire ethnologique, cousin d’Aguirre, la colère de Dieu d’Herzog, et ancêtre de l’Apocalypto de Gibson, cette œuvre ovniesque, bourrée de parti pris qui n’en rend pas l’accès facile (ambiance sonore pesante, montage abrupt, ensemble qui n’a pas forcément bien vieilli, et, parfois, absence volontaire de sous-titres), a deux mérites : d’un côté, son bout d’histoires (la culture indienne avec sa sorcellerie, ses croyances, ses coutumes) … incrusté dans la grande (ces conquistadors croyants, découvrant le Nouveau Monde)- qui instruit et comble les lacunes ; de l’autre, ce morceau de filmographie d’un auteur mexicain courageux, qui s’est battu des années pour monter un projet, minimaliste en apparence, de grande envergure tout compte fait (moyens déployés immenses, beaux noms au générique – dont le futur célèbre Guillermo del Toro- forme rigoureuse).
Grâce au distributeur E.D Distribution, Cabeza de Vaca est aujourd’hui visible, disponible, prêt à dire l’Histoire- entre naturalisme aride et atmosphère fantastique un peu dingue, un peu perchée, mi-survival dépouillé d’un autre âge, mi-documentaire mystique de l’autre, qui force le respect par la vaillance et la constance de l’auteur face à son sujet. Jamais il ne lâche sa vision aride des choses et son traitement symbolique extrême au profit d’une douceur confortable ou d’une tentative de séduction esthétique. Non. Il y fait un film qui casse la notion de mythe, impitoyable dans sa reconstruction parce que se désirant exterminateur de toute forme de mensonge. Le récit reste imaginaire (personne ne peut vérifier les écrits d’Alvar Nuñez Cabeza de Vaca). L’entêtement d’Echevarría à proposer une alternative aux grandes épopées hollywoodiennes, lui, est bien réel.
Sortie cinéma France : 22 décembre 2010.
Sortie DVD : 7 juin 2011.
Remerciements : E.D DISTRIBUTION.
1990 – Mexique – couleurs – 112 min.