En 2007, il avait trop promis, puis trop parlé. Désormais, se montre mais laisse les autres promettre à sa place, comme
mercredi lors de la convention sur la justice sociale de l'UMP; quand il s'exprime, il annonce peu, comme devant des agriculteurs pourtant exsangues à cause de la sécheresse. Il n'a plus
d'argent, sauf pour alléger l'ISF. Quand il commente, c'est en privé, devant 300 députés UMP pour que sa sainte parole soit répétée.
Mais quand il rencontre Ségolène Royal, il grimace.
Nicolas Sarkozy se maîtrise, mais il grimace.
Faire parler de soi
Ce mercredi, Nicolas Sarkozy avait commencé sa journée par un conseil des ministres, puis, à déjeuner, il avait invité tous
les députés UMP à l'Elysée. On imagine la dépense. A l'issue de ce rendez-vous de campagne, quelques participants furent trop heureux de lâcher les « confidences » du
Monarque.
La technique est rodée. La parole sarkozyenne se fait rare... en public. Le Monarque préfère qu'on parle de lui, qu'on le
décrive « serein » et « travailleur » . Et quoi de plus efficace que 300 parlementaires rassasiés par les buffets élyséens ? Renaud Muselier, député de Marseille à mi-temps mais
à plein salaire, était enthousiaste : « c'est le meilleur ! ». Son collègue Vanneste, de la Droite Populaire, enchanté : « Il était très cool et manifestement assez sûr de lui pour
l'année qui vient». Un autre confia qu' « il a eu un moment très fort sur la nécessité, lorsque certains sont indignes, d'être plus dignes que jamais », à propos de l'affaire
DSK. On apprit également que Sarkozy avait encore
engueulé Borloo à distance : « Ceux qui nous quittent voudraient nous diviser, a-t-il commencé. Quand il y a des convictions, je comprends. Mais on ne quitte pas sa famille politique par
amertume.»
Ne pas trop promettre
Plus tard, Nicolas Sarkozy discourra 30 minutes à la Conférence nationale du handicap. Ses conseillers lui avaient trouvé 150
millions d'euros à distribuer. Le Monarque avait aussi loué l'effort « sans précédent » et « malgré la crise », les dépenses de l'Etat ayant progressé de 6% par an depuis 2007
en matière de handicap. « C'est une mobilisation considérable mais une mobilisation indispensable. » Il s'est même félicité de ne pas avoir baissé les allocations malgré la
crise...
Il fut
poliment applaudi. Poliment. Sans plus. Jean-Louis Garcia, président de la Fédération des Apajh (associations pour adultes
et jeunes handicapés), n'a pas caché sa déception : «
On a assisté à une grand-messe médiatique sans beaucoup d’engagements ». Pourquoi un accueil aussi sévère ? Sarkozy est resté très modeste dans ses annonces, promettant la création de 1
000 places par an dans les entreprises adaptées, et le recrutement de nouveaux auxiliaires de vie scolaires, « mieux formés, mieux payés » et « disposant d’un vrai contrat
d’assistant d’éducation ».
L'Humanité rappelait qu'un jeune handicapé de 15 ans, kosovar mais clandestin, expulsé voici un an, attendait son retour pour se soigner. « Il
va mourir plus vite et dans de moins bonnes conditions », expliquait son ancienne pédiatre française.
Laissez d'autres promettre
Le même jour, l'UMP organisait sa grande journée de débat sur la justice sociale. Il s'agissait de rebondir sur la polémique
lancée par Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes mais « leader » de la droite sociale début mai. Et quel rebond ! Le jeune ambitieux s'était pointé le matin, devant une
assistance où les parlementaires UMP se faisaient rares. Il s'est lâché, à nouveau, contre l'assistanat, en énumérant un à un ces « scandales » de la solidarité nationale, de la cantine
offerte aux pauvres à la prime de Noël, des tarifs sociaux de l'énergie à l'exonération de redevance télévisuelle. En mai dernier, il ne pensait qu'à plafonner des minimas sociaux qui, pour la
plupart, ne s'additionnent pas. Mardi, il est parti dans un inventaire à la Prévert des « niches » sociales (malheureusement moins riche que celui des niches fiscales).
L'UMP avait concocté 40
propositions de justice sociale, « solidaires et responsables ». Il fallait parvenir à un chiffre rond. Pas 38 ou 41, non. 40 ! La plus médiatique d'entre elles était la version,
certes rabougrie, de la proposition Wauquiez : pour les bénéficiaires du RSA-socle, (soit 411 euros par mois pour une personne seule, 588 euros pour un couple), « prévoir pour toutes les
collectivités locales volontaires un Contrat unique d’insertion (CUI) de 5 h semaine ».
La convention fut gâchée par Martin Hirsch. Le créateur du RSA, ancien haut commissaire aux solidarités de Nicolas Sarkozy,
expliqua que le RSA coûte moins cher que prévu, sans que le gouvernement ait baissé la taxation des revenus financiers des classes moyennes instaurée pour financer le dispositif, une manne qu'il
estime à un milliard d'euros. L'explication provient d'une progression plus faible que
prévue du nombre de bénéficiaires du « RSA-activité ». François Baroin, ministre du Budget, a récusé le chiffre. Laurent Wauquiez a dénoncé « l'aigreur » de son ancien collègue.
Le même jour, on apprenait que les oeuvres d'art resteraient exonérées d'ISF, et que le très médiatique Luc Ferry touchait 4.500 euros par mois sans enseigner...
Qui abuse ?
Assurer le spectacle
Le vrai show était ailleurs. Jeudi, le candidat Sarkozy faisait son deuxième déplacement de terrain, comme chaque semaine. Le
thème était chaud, la sécheresse atteint des niveaux inégalés depuis un siècle, et la crise du faux concombre tueur a fait chuter les ventes de fruits et légumes. Le Monarque avait aussi bien
choisi son lieu.
Après la Nièvre de François
Mitterrand, mardi dernier, il était en Charente, dans la région de son ancienne rivale de la campagne de 2007. Ségolène Royal avait d'ailleurs choisi de venir. Les services élyséens, qui
invitent pourtant régulièrement les président(e)s d'exécutifs locaux pour ce type de visite, avaient eu la goujaterie de ne pas l'inviter. Mais la présidente de région était là, pour accueillir
Nicolas Sarkozy a sa sortie de limousine. Le Monarque lui donna la parole, quelques minutes, à la fin de son monologue sa table ronde. D'abord
huée par une assistance choisie, comme souvent rassemblée dans un hangar aménagé pour l'habituel show télévisé, la candidate socialiste fut in fine chaudement applaudie. Devant elle, le candidat
grimaçait de sourire, s'attachant à n'accorder aucune importance à sa présence.
Lui-même n'avait pas annoncé grand chose. Il avait répété quelques habituelles formules : « Votre souffrance, elle n'est
ni de droite, ni de gauche », ou encore, « On va essayer de résoudre le problème ». Encore une fois, les agriculteurs pouvaient être déçus : «
L'essentiel de ce qu'on va faire, c'est de vous donner des marges de manoeuvre de trésorerie et de décaler tous les remboursements d'un an ». Ils n'auraient donc aucune aide directe d'urgence, mais simplement des aides de trésorerie, sans les chiffrer, comme le report des échéances de remboursement des prêts
contractés en 2009 ou l'accélération du versement des indemnisations d'assurance. « Ne retombons pas dans la mauvaise habitude de vous donner des allocations qui seront déclarées illégales
dans quelques mois. »
A L'Assemblée, les députés UMP continuer de travailler à l'allègement de l'ISF.
Tout est une question d'habitude.
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