Danger Mouse & Sparklehorse – Dark Night Of The Soul (Juin 2010)
« Dark Night Of The Soul » a failli ne jamais voir le jour. Il n’a d’ailleurs même pas été édité en CD. Orchestré par l’esprit génial Danger Mouse (musicien au sein de Gnarls Barkley et producteur entre autre de Gorillaz, Martina Topley-Bird, Beck, The Rapture), le projet fou de réunir en 2010 le gratin de la pop alternative des années 90 (et même avant) autour d’un concept visuellement élaboré par David Lynch avait l’air d’une gageure insensée et irréelle.
Et pourtant, ce recueil atemporel de brillantes chansons pop est le meilleur hommage rendu à la musique alternative américaine. Comme hors du temps, les Flamings Lips inaugurent l’opus par le limpide « Revenge » , simple et beau comme une libération, un soulagement, revendiqué par une voix angélique et clairsemée de relents plaintifs et naïfs. Gruff Rhys lui répond en écho dans « Just War » dans un semblable manifeste de poésie baroque. Mais réveillons-nous : Julian Casablancas des Strokes frappe très fort dans sa performance pop déchainée et subtilement obsédante (« Little Girl« ), la pop song qu’on aurait adorée entendre adolescent et qui sens furieusement le juvénile décomplexé. S’enchainent sans interruption des suites de petites merveilles qu’on ne compte plus : Jason Lytle léger comme l’air dans un « Everytime I’m with you » à l’allure épique et aérienne, confirmée par James Mercer dans « Insane Lullaby » , la Ballade Folle. Où les refrains-couplets, rebondis, se fondent gaiement dans un pot-pourri de violons, de boites à rythmes et de carillons, comme un générique de fin d’un film incertain et dramatique au dénouement heureux et victorieux. Les dispensables titres d’Iggy Pop et de Black Francis (les années 70 et 80 , décidément hors-sujet) sont largement pardonnés par toutes ces virevoltantes sensations épanouies et innocentes, toutefois assombries par les deux derniers titres-testament de Vic Chessnutt. Cet artiste maudit, suicidé 5 mois avant la diffusion du projet (tout comme Mark Linkous, le leader de Sparklehorse, 4 mois plus tard), lâche dans un dernier souffle lointain une composition éperdument emprunte de beauté et de noirceur comme langages ultimes de l’âme ; l’artiste regretté a cru bon de s’adonner désespérément une dernière fois à ce qui l’a à la fois sauvé et rongé.
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Wayne Coyne – « Revenge »
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Julian Casablancas – « Little Girl »