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Il n’y a pas de doute, le marché est morose. Depuis 1998, mis à part quelques points d’entrées intéressants comme en 2003 et 2009, il n’y a guère eu d’occasions d’y obtenir des rentabilités extraordinaires. La faute a une bulle qui a émergé sur le marché des actions en 1997 et que nous payons encore aujourd’hui. La bonne nouvelle c’est que nous nous rapprochons à nouveau d’une valorisation du marché correcte. Il faudra certes encore un peu de temps, une amélioration des fondamentaux de l’économie et/ou quelques corrections sur le marché, mais c’est l’occasion de penser déjà au futur…
Dans un précédent article, nous nous intéressions aux titres idéaux pour rentiers. Aujourd’hui nous nous penchons sur ceux qui permettent de le devenir. Dans ce cas, les revenus perçus aujourd’hui perdent de l’importance au profit de ceux demain. Ce qui importe, c’est donc la capacité de la société à accroître de manière conséquente et durable son dividende. Avec un horizon de placement de 10 ans, la plupart des payeurs de dividendes croissants deviennent plus intéressants que ceux qui paient des distributions élevées mais stables. C’est même souvent déjà le cas en dessous de cet intervalle. Au-delà, les dividendes croissants sont nettement plus lucratifs, grâce à la magie des intérêts composés. Une société qui offre par exemple un rendement de 3% aujourd’hui et qui le fait croître sur un rythme annuel de 10%, permet d’obtenir un rendement par rapport au prix d’achat de 4.8% dans 5 ans, de 7.8% dans 10 ans, de 12.5% dans 15 ans, de 20.2% dans 20 ans, etc.
La stratégie des dividendes croissants permet donc de préparer le terrain pour un futur rentier. Elle réclame de la patience car les revenus peuvent paraître modestes dans un premier temps, mais elle est clairement payante sur le long terme. Elle nécessite par contre de se focaliser sur des sociétés de qualité qui ont les reins suffisamment solides pour verser et faire croître leurs distributions sur le long terme, quelle que soit la situation micro ou macro-économique.
Traditionnellement on trouve ces entreprises dans des secteurs comme les biens de consommation et/ou la santé. Si l’on se réfère à la pyramide des besoins de Maslov, les individus remplissent d’abord leurs besoins physiologiques, avant de penser à combler leurs autres besoins, notamment sociaux. En temps de crise, ils utiliseraient donc leur revenu essentiellement pour assurer leurs besoins primaires de survie, le reste étant mis de côté pour assurer les besoins sécuritaires. Bien que parfois contestée, la théorie de Maslov explique assez bien le caractère défensif des sociétés actives dans les biens de consommation et la santé.
Par ailleurs, ces titres doivent afficher une marge de sécurité certaine par rapport au paiement de leurs dividendes. Si les bénéfices couvrent aisément le versement des distributions, cela signifie que le dividende pourra être augmenté dans le futur, même si l’entreprise traverse une mauvaise période.
En résumé, nous devons donc nous focaliser sur des actions de qualité qui :
- affichent une longue stabilité dans le paiement des dividendes
- connaissent un taux de croissance substantiel de leurs distributions
- génèrent suffisamment de bénéfices pour assurer les versements futurs et leur croissance
En sélectionnant les cinq premières valeurs de notre portfolio, à savoir CL, PG, WMT, CLX et JNJ, nous obtenons en moyenne un rendement de 2.7%, pour une croissance annuelle de 12.4%, avec 44 années consécutives d’augmentation du dividende et un ratio de distribution de 43.7%. Ces cinq titres peuvent donc constituer une excellente base pour un portefeuille de futur rentier (dans un horizon temporel de 10 ans au minimum).
Même si le revenu recherché prime, on ne souhaite pas que le capital se détériore pour autant. Celui-ci peut être en effet soit utilisé progressivement lors du passage à rentier actif, soit conservé pour une éventuelle succession. En se focalisant sur des titres durables et de qualité, on assure la préservation et la progression du capital. On doit aussi cependant tenir compte du risque de monnaie, même si sur le long terme cet effet tend à s’amenuiser par rapport à la rentabilité des actions.
Investir uniquement sur des titres domestiques peut paraître de prime abord une bonne idée, mais c’est oublier que la mondialisation a rendu la notion de marché national complètement obsolète. Vouloir éviter la faiblesse du dollar ou de l’euro en investissant dans des sociétés nippones, helvétiques ou canadiennes signifie acheter des entreprises qui vont devoir exporter dans des pays ou la monnaie est plus faible que la leur, et donc réduire leurs marges. On rétorquera que l’on peut se limiter à des sociétés de plus petite taille qui travaillent uniquement sur le marché domestique, mais là aussi c’est oublier qu’elles dépendent de la bonne santé des grosses capitalisations, de leurs sous-traitances, de leurs achats et des revenus de leurs employés.
Bref, plutôt que de se questionner sur la monnaie dans laquelle on investit, il vaut mieux se focaliser sur la qualité du titre. En l’occurrence les meilleurs pourvoyeurs de dividendes croissants se trouvent actuellement sur le marché US. Par contre, pour couvrir ses arrières, on peut compléter ce portefeuille par un titre comme CVX, 4e compagnie pétrolière au monde, généreuse en dividendes et qui offre une bonne protection vis-à-vis des variations du dollar.