Еugène : pоème Vіde-mémоіre

Par Illusionperdu @IllusionPerdu

Vide-mémoire

Quand j’oublie qui est l’homme,
je peux retrancher sa vie comme
j’arrache une carotte du jardin ;
leurs destins me laissent serein.

Quand j’oublie qui est la femme
je peux la menacer d’une lame,
en elle à satiété je me masturbe
repu, la lâche ; ne me perturbe.

Quand j’oublie qui est l’enfant
je peux le faire travailler tant
qu’il produira beaucoup d’argent
qu’il ne deviendra jamais grand.

Quand j’oublie qui est l’homme,
je me ris des prud’hommes,
je défends les bêtes de somme,
j’emprisonne les étranges Roms.

Quand j’oublie qui est la femme
je clame qu’elles nous damnent,
qu’en sciences ce sont des ânes ;
les anciens les savaient sans âme.

Quand j’oublie qui est l’enfant
je ne supporte pas leurs jeux,
leurs cris, habite un quartier vieux
sans progéniture y résidant.

Quand j’oublie celui que je suis
alors j’oublie qui est l’homme
et j’oublie qui est la femme,
j’oublie même qui est l’enfant ;

toute chose devient possible,
grande galerie de l’horrible
où l’on passe tout au crible
d’une morale de la cible.

Le ciel est bleu marine.
La mer est bleu marine.
La terre est rouge sang.
La mémoire est blanche.

Postscriptum

L’actualité n’est qu’un filigrane, en rien la clé.