Ceci est en quelque sorte la suite de l’article Univers multiples, physique quantique et au-delà publié en septembre 2010. J’en conseille la (re)lecture avant de continuer sur celui-ci si les notions de physique quantique, univers multiples d’Everett et multiverse vous sont totalement étrangères.
Difficile de choisir entre la solution des univers multiples (l’univers se scinde à chaque “choix” quantique) et le multiverse (notre univers ferait partie d’un ensemble beaucoup plus large d’univers). Mais il n’y a peut être pas besoin de choisir car une nouvelle théorie se propose d’unifier ces deux concepts, fruit des investigations de deux chercheurs reconnus: Raphael Bousso de l’Université de Californie à Berkely et Leonard Susskind de l’Université de Standford.
Le point de départ est que la mécanique quantique nous dit que l’univers, comme les atomes observés en laboratoire, devrait exister dans un état de superposition quantique. Or nous n’observons pas cette superposition à l’échelle macroscopique, nous n’observons qu’un seul état. Pourquoi? En fait la question initiale était peut être mal posée: plutôt qu’une superposition se réduisant à un seul état sous l’emprise d’un évènement externe (tel une observation, mais alors pourquoi), les physiciens ont développé l’idée que les objets quantiques interagissent avec leur environnement, faisant en sorte que l’information concernant une éventuelle superposition d’état “s’échappe” et nous laisse devant un seul état résiduel. C’est le processus de décohérence. De ceci découle qu’à partir du moment où l’on arrive à préserver toute l’information, on doit observer l’état superposé. Mais autant il semble acceptable que cette information s’échappe quelque part lorsque nous observons des particules localement, autant on doit se demander où elle peut bien aller dans le cas de la décohérence de l’univers complet – vu que par définition il n’y a pas “d’ailleurs”.
C’est à cette question que tentent de répondre Bousso et Susskind, selon une étude récemment publiée sous arxiv.org/abs/1105.3796. Leur vision est que l’univers est une région dans l’espace contenant toute l’information et tout ce avec quoi il lui serait possible d’interagir dans le futur. Cette région est nommée un “causal patch” et, dans leurs derniers travaux, Bousso et Susskind forment l’hypothèse que notre causal patch (CP) fait partie d’une multitude d’autres CPs dans un gigantesque multiverse. L’information relative à un CP pourrait s’écouler vers au autre CP, forçant ainsi la décohérence du premier et le rendant conforme à l’observation – un seul état.
Mais reste l’autre question cruciale: pourquoi l’état résiduel observé est-il celui-ci et pas un autre? Pour y répondre nos chercheurs utilisent l’hypothèse des univers multiples créés lors de chaque décohérence (hypothèse dite de Everett et datant des années 50). Chaque état possible se retrouve alors être l’état unique de l’un de ces univers parallèles, et dans l’hypothèse de Bousso et Susskind chacun de ces univers est également un CP alimentant le multiverse. Ils appellent cette hypothèse “l’interprétation multiverse de la mécanique quantique”.
Un aspect majeur du traitement mathématique de cette nouvelle analyse est la possible explication des principales bizarreries de notre univers, notamment le constant cosmologique.
L’hypothèse est analysée sur de nombreux sites de physique, par exemple sur le blogCosmic Variance du cosmologiste Sean Caroll du California Institute of Technology. Mais comme le dit Bousso “c’est le genre de chose qui va prendre du temps à digérer”.
Source: http://www.newscientist.com/article/mg21028154.200-when-the-multiverse-and-manyworlds-collide.html?full=true
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