Orphelin de père, Shaun est un pré-adolescent que tous les gamins du coin prennent plaisir à provoquer et railler. Jusqu'au jour où il va croiser cinq skinheads (et autant de jeunes filles) plus vieux que lui qui vont le prendre sous son aile et devenir ses meilleurs camarades. Malheureusement, la sortie de prison de Combo, brutasse nationaliste et raciste que fréquentait la bande, va conduire à la scission du groupe d'amis et entrainer Shaun vers le versant le plus douteux de la culture skin. La petite faille de This Is England que j'évoquais en intro est cachée là, dans ce résumé puisque la charge contre la xénophobie se résume à l'introduire pour briser une situation paisible avant de la bouter hors du film par le truchement d'un drame.
Toutefois, en dépit de ce pied de nez un peu facile, le film est à mille lieux de la dénonciation bourrine et sensationnaliste d'un American History X, l'absence de moyens et la recherche d'une forme d'authenticité permettant à la pellicule de se promener du côté de Ken Loach plutôt que de celui du one-hit wonder (à ce jour) Tony Kaye, de suivre la trajectoire troublée d'un personnage plutôt que de dénoncer à tout prix. Il y a tout d'abord cette brochette d'acteurs, en partie non-professionnels, insérés dans une Angleterre qui transpire la dèche et capturés dans des images crues en 16 mm, qui sont tout simplement exceptionnels (à voir impérativement en VO, pour savourer les accents cockneys). A commencer par le jeune Thomas Turgoose, petit bonhomme fragile qui joue au dur et confère au projet une bonne part de sa force. Ensuite, il faut compter avec l'inspiration autobiographique du film, qui permet à Shane Meadows de croquer avec justesse cette époque et ses acteurs et de présenter la culture skinhead sous ses deux jours : celui du prolétariat, de la fraternité et d'une certaine ouverture derrière la rudesse (souvent éclipsé au profit du second), et celui de la récupération politique et des débordements. Présentation que complète à la perfection une BO en caviar (ska, reggae et punk avec Toots & the Maytals, Soft Cell, Gravenhurst, The Specials, UK Subs...), dernier atout de ce drame touchant et presseur de tripes.
This Is England (Big Arty Productions / EM Media / Film Four International / Optimum Release / Screen Yorkshire / UK Film Council / Warp Films) - 2006