"Je suis convaincu que je suis capable de mobiliser de nombreux concitoyens en leur parlant de recherche, d'innovation, de culture, en leur disant que la sécurité est une priorité", déclarait Manuel Valls, le 7 juin sur le plateau de TF1.
"Je veux être le candidat de l'énergie, du changement. Il faut apporter d'autres réponses aux Français" a fait claqué le député de l’Essonne, adepte revendiqué du "pousse-toi de là que je m'y mette".
"On a besoin de visages nouveaux, on a besoin de propositions nouvelles, on a besoin d'acteurs nouveaux dans la vie politique. Ceux qui sont là depuis des années, ceux qui ont été ministres, comment peuvent ils apporter des solutions nouvelles aux problèmes que se posent les Français?" s'est interrogé le candidat à la primaire socialiste.
Comme tout présidentiable qui se respecte, Manuel Valls a commis un livre (Sécurité : la gauche peut tout changer ) censé être le condensé de ses pensées et le fil rouge des débats qu'il entend mener. C'est là où le bât blesse.
L'innovation à la mode Valls c'est d'être le Sarko de la gauche, de balayer la mollesse des rad-soc pour incarner une gauche intransigeante sur les questions de société et notamment celles de la sécurité, de l'immigration. Une gauche sans tabou prête à s'asseoir sur une partie de ses valeurs humanistes pour mieux coller à l'air du temps. Autrement dit être prête a tout pour gagner les élections, quitte à hurler avec les loups et boire sans sourciller son bol quotidien de populisme.
Face au délitement de la république Valls aspire à devenir le futur ministre de l'intérieur. C'est son droit. Le problème c'est que les constats et idées développées par le maire d'Evry sur la sécurité ne résistent pas longtemps à l'analyse du sociologue Laurent Mucchielli spécialisé dans les questions de délinquance.
"Au vu de son livre, il n'est pas sûr toutefois que M. Valls connaisse en profondeur les problèmes de sécurité, de police et de justice. Au-delà d'une posture autoritaire - au demeurant identique à celle de la plupart de ses adversaires politiques -, on ne trouve en effet dans son livre aucune piste précise et originale pour imaginer ce que pourrait être une politique de sécurité « de gauche », alternative à celle conduite depuis une dizaine d'années" fustige le sociologue.
Laurent Mucchielli reconnaît que "la première partie du livre de M. Valls constitue une critique de la politique de sécurité de Nicolas Sarkozy à la fois intéressante et bien argumentée" mais étrille la deuxième, dénonçant "les généralités", "les formules toutes faites", qui ne constituent en aucun cas des diagnostics.
Plus embêtant, le sociologue relève que depuis dix ans M. Valls est maire d'une moyenne ville de la région parisienne dont un quart de la population vit en « zone urbaine sensible » mais que le livre n'expose pas en détail les leçons qu'il a tirées de cette expérience et la politique qu'il propose. "Voilà donc un récit d'expérience d'un « maire de terrain » qui, sur son terrain de prédilection, tient en deux lignes..." s'emporte le spécialiste de la délinquance estimant que la devise judiciaire de Manuel Valls pourrait être "Punir le plus vite possible" .
L'image de celui qui se rêve place Beauvau est sérieusement écornée quand le chercheur qualifie la vision de l'édile sur la justice de "confondante et sidérante" : "Elle trahit une méconnaissance profonde à la fois des principes généraux de la justice des mineurs, du droit et de la procédure pénale et enfin du travail ordinaire des magistrats de l'enfance comme des éducateurs et des psychologues de la protection Judiciaire de la Jeunesse qui les renseignent sur la situation des mineurs poursuivis".
"Ainsi, en réclamant punition et immédiateté, en réclamant qu'on rende la justice des mineurs en trois jours, M. Valls fait le contraire de ce qu'il annonce, il agit exactement de la même manière que ses adversaires politiques, il sombre à son tour dans le populisme" conclut Mucchielli .
Un populisme aux allures de copié collé de la politique gouvernementale."S'ériger personnellement en défenseur des victimes, défendre l'ordre contre la barbarie et la civilisation contre la sauvagerie, n'est-ce pas le fondement, l'essence même, de la posture populiste telle que Nicolas Sarkozy et son entourage la déclinent depuis près de 10 ans au plan national, et d'autres responsables de « droite dure » au plan municipal (Christian Estrosi, François Grosdidier, etc.) ?" s'interroge le sociologue. Et nous avec.