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d'après Maupassant

Publié le 10 juin 2011 par Dubruel

« COCO, COCO, COCO FRAIS ! »

 

 

Elle était brulante cet après-midi de juillet.

Mon oncle allait expirer, sereinement.

À cause du fort soleil, on avait fermé les volets

De sa chambre, au milieu du silence étouffant.

On entendit seulement dans la rue : « Coco frais, coco,

Rafraichissez-vous, qui veut du coco ? »

Mon oncle fit un petit mouvement.

Quelque chose comme l’effleurement

D’un sourire sur le pourtour

De ses lèvres. Il s’éteignit pour toujours.

J’assistais à l’ouverture de son testament.

Mon cousin héritait normalement

De tous les biens de son père.

J’étais concerné par la dernière

Clause. La voici : « À mon neveu Pierre

-Ce fut une totale stupéfaction-,

Je laisse un manuscrit sur la superstition.

Il le trouvera dans le tiroir de mon bureau

Avec un billet de cent francs qu’il remettra

Au premier marchand de coco

Qu’il rencontrera. »

Ce manuscrit expliquait ce legs surprenant.

En résumé, il disait textuellement :

« Une étoile s’allume en même temps

Que nait un enfant.

On croit à l’influence des comètes.

On s’imagine que des gens jettent

Des sorts. On craint le treize, les vendredis…

L’homme vit sous le joug des superstitions.

Moi, je dis

Qu’elles se forment d’une superficielle observation. 

Mon étoile à moi, c’est un marchand de coco.

Il a crié dans la rue si tôt

Que je naissais.

À huit ans, comme je me promenais aux Champs-Elysées

Avec ma bonne, arriva dans notre dos

La voiture d’un marchand de coco

Lancée à vive allure. Nous fûmes renversés.

Ma bonne eut le nez cassé.

La cause du hasard se trouve dans la coïncidence.

Il ne faut pas chercher au-delà.

Or à seize ans, j’allais au bureau de la diligence.

Une voix s’approcha :

« Coco frais ! » Le lendemain,

À la chasse, je tuais un chien

Que j’avais pris pour un lapin.

Je tirais sur une poule que je crus bien

Etre une perdrix. À vingt-cinq ans,

Je vis, un matin, un vieux marchand

De coco. J’en bu un verre

Que je payais vingt sous. L’homme gémit :

« Cela vous portera bonheur, mon cher. »

Ce jour là, je fis

La connaissance de ma femme…qui

Jamais, ne me rendit heureux. Enfin, voici

Comment un vendeur de coco m’empêcha

D’être Président d’Université.

-Je connaissais un Recteur honoris causa-

J’allais le visiter.

Il pleuvait. J’étais en retard. Je me pressais,

Glissais et m’étalais.

Un cri aigu me perça les oreilles :

« Coco, coco, qui veut du coco ? »

Je me retrouvais assis dans une flaque d’eau

Souffrant des fesses et d’un orteil.

Le temps de rentrer changer d’effets,

L’heure de l’audience était passée.

J’étais refait.

Je m’excusais. »

Le manuscrit se terminait par ces mots :

« Pierre, fais-toi l’ami d’un marchand de coco.

Quant à moi, je m’en irais

Content

Si j’en entends

Crier un au moment de trépasser. »

Le lendemain, je croisais

Un vieux porteur de coco.

Je lui donnais aussitôt

Les cent francs de mon oncle. Stupéfié,

L’homme me répondit : « Soyez remercié

Mon bon seigneur,

Cela vous portera bonheur. »


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