" Winnipeg, Winnipeg, Winnipeg ", clame la voix hypnotique de l’homme. Un refrain entêtant, un letimotiv qui obsède comme obsèdent les souvenirs, comme étouffent les villes natales. D’un train, et du paysage qui défile, ce sont des blocs de pensées, au passé, et des fragrances, aussi enchanteresses que nauséabondes, qui viennent frapper au visage Guy Maddin, cinéaste inclassable. Recollant des bouts de fiction et des morceaux de réels, il offre une grande fresque-hommage/rejet à l’objet de ses tourments : cette ville canadienne, perdue en plein cœur du Manitoba, la plus froide du monde dit-on, peuplée de somnambules, de figures étranges, de motifs surréalistes. Parfois : Winnipeg mon amour, c’est un cri de haine. Aux lieux impossibles à quitter, aux êtres chers, disparus, impossibles à oublier. Le plus souvent, c’est un cri du cœur, un je t’aime nécessaire, cathartique, psychanalysé dans l’image, quelque part entre le côté un peu lo-fi des premières réalisations de Lynch, et le cinéma muet du début du siècle dernier.
C’est une superposition, en fait, un collage, de vies, de sensations, d’images d’archives et de fantômes. Quoiqu’il en soit, cela ne ressemble à rien d’autre. On sent, à chaque séquence de ce patchwork aux fausses allures brouillonnes, un soin énorme porté aux détails et l’imagerie. On y sent tout le poids, l’influence, de ce grisâtre qui imprègne les chairs, qui s’insinue dans les esprits. Guy Maddin rend possible l’appropriation par tous du souvenir personnel, et exprime par un tableau expérimental sensoriel la plus difficile des choses à cerner : l’intime.
Sortie DVD: 7 juin 2011.
Remerciements: E.D. Distribution
Edition Digipak – Livret couleur 36 pages
+ bande annonce
+ Spanky : to the pier and back (Guy Maddin, 2008)
+ Nude Caboose (Guy Maddin, 2006)
+ This world of ours (1941)
2007 – Canada/USA – N&B et couleurs – 79 min.