Le Pérou confirme le passage à gauche de l’Amérique du Sud

Publié le 09 juin 2011 par Copeau @Contrepoints

Au départ, il y a eu le Vénézuela, puis la Bolivie, puis l’Équateur et enfin le Nicaragua. Aujourd’hui, c’est au tour du Pérou, ma terre natale. Une par une, sans que personne ici ne le remarque, les nations d’Amérique Latine effectuent leur revirement vers la gauche autoritaire.

Ollanta Humala, vainqueur hier du second tour de la présidentielle, est le candidat typique du caudillo moderne. En tant qu’ancien officier militaire démis de ses fonctions pour faute, c’est plein de colère et de ressentiment qu’il a élaboré un programme mélangeant nationalisme ethnique, hostilité envers les entreprises privées, nostalgie envers les années pre-Colombienne et idées revanchardes anti-Chili. Son héros est Juan Valesco, le général socialiste qui a pris le pouvoir en 1968 lors d’un putsch, et qui a rapidement renvoyé le Pérou à une condition de pénurie dont le pays venait tout juste de sortir. — Un de mes tous premiers souvenirs vient de cette époque maudite où la vie alternait entre violence des gangs et privations des terres par le gouvernement.

Le candidat opposant d’Humala était Keiko Fujimori, la fille de l’homme qui, en tant que président dans les années 1990, a fermé le Congrès et s’est donné des pouvoirs autoritaires, et qui purge aujourd’hui une peine de 25 ans de prison pour violation des Droits de l’Homme.

Mario Vargas Llosa voyait cette élection comme le choix entre deux extrêmes anti-libéraux – ou comme il l’a si bien imagé : « entre le cancer et le SIDA ». Il a voté, à contrecœur et avec effroi, pour Humala.

Humala, qui se vantait de son amitié avec le président vénézuélien Hugo Chavez, déclare aujourd’hui qu’il a « modéré ses prises de position » et j’espère de tout cœur qu’il dit vrai. Regardez tous les Chavistes qui ont pris le pouvoir dans les États voisins, comme en Bolivie avec Evo Morales et en Équateur avec Rafael Correa. Ils ne sont pas fondamentalement anti-démocratique mais sont clairement anti-parlementaires ; ou Bonapartistes si vous préférez.

Après avoir gagné des élections de façon plus ou moins démocratique, ils ont immédiatement agi pour démonter tout frein à leur pouvoir : l’assemblée nationale, la commission électorale, la cour suprême, les médias indépendants, les associations d’entreprises (chambre de commerce…). Pour maintenir leur popularité, ils ne cessent de lancer des batailles – contre Washington, contre le FMI ou quand rien ne fonctionne, les uns contre les autres.

Après plusieurs années de stagnation, le Pérou a récemment bénéficié d’une croissance bien supérieure à celle des pays voisins. Pourtant, les marchés ont réagi brutalement à la victoire d’Humala : le cours de la monnaie s’est effondré et la bourse est au plus bas. Le Pérou dispose de nombreux surplus agraire : une pêche abondante, du pétrole, de l’étain, de l’or, de l’argent ou encore du cuivre. Pourtant, jusqu’à récemment encore, ces atouts ont été paupérisés par les gouvernements successifs. Aujourd’hui, il semble que les mauvais jours soient de retour.

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Article repris depuis The Telegraph avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Traduction : Citronne

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