À Pierre Jean Jouve
Nos très noirs sanglots d'ailes
au rouge printemps de la foudre
se nouent en vain :
il y a mort de soleil
à la source du jour,
mort de lumière profonde
en l'élan de l’œil.
Et remonte la mémoire
le brouillard de neiges tristes,
et glisse la gelée muette
dans les bourgeons de joie désirantes.
Nos très noirs sanglots d'ailes
en plongée contournent
la fumée d'un ange montante :
il y a mort d'infini
sous la pierre des paupières.
Fernand Ouelette, « Sanglots d'Aile », in Ces Anges de Sang, 1955, repris dans Poésie – poèmes 1953-1971, p. 23
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À l'esprit d'IONISATION
Edgard Varèse
Ici s'ébranle le panorama de klaxons. Ah ! réveillez les courbes de mousse au large des buildings.
Il y a croissance de corps nickels à travers le temps, et l'ampleur du carillon criblée de poteaux.
Pénétrante hypnose des villes ! Lentes bêtes ruisselantes de jets-sirènes, marchons machines osseuses. Auprès des bouches d'égout, ah ! délirent les fronts de menthe.
Incessants vaccins de braise à la racine du sexe. L'alarme du mâle brûle, souille la peau d'ambre des filles. Et gelés les lits éclatent dans les miroirs.
Dans la région du rachat, profonde cité en filigrane dans le sommeil, les pleins désirs émergent d'un plasma de pétrole.
Mêmes giclées-soleils dont se grisent les squares. Même vin de suie à éteindre le blanc des vergers. Et le chaud clavier de mollets que les tristes martèlent en sourdine…
Café moka ! La Presse ! Rue Sainte-Catherine ! L'odeur des banques enclot les brises de l'enfance. Au long des devantures, les passants surchauffent un ciel éteint.
Fernand Ouellette, « Quatuor Climatisé, I », in Séquence de l'Aile, 1958, repris dans Sillage de l'Ailleurs, p. 45)
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Nous avons grand désir
De regarder le Jour,
Un jour vertical, joyeux,
Qui nous ramène à la source.
Mais nul ne peut sans ailes
Arriver tout droit à ce qui est
Tout proche et le saisir
Et venir sur l'autre versant.
Orienté vers l'origine, attiré
Par la fraîcheur des ombrages,
Au sein de forêts mythiques.
Le poète voulait là-haut
Fonder ce qui demeure,
En beauté. Là où il pourrait
Parler seul avec Dieu,
Et ne recevoir d'autre écho.
Mais prendre à bras de passion chaque heure
Exige de choisir le chemin unique
(Surtout pour qui se concentre sur le cours
Des fleuves).
Comme de se risquer
Dans un dédale,
Sur le flanc des montagnes,
Dans l'aride, pour trouver un signe
Qui pose le soleil et la lune dans l'âme,
Un langage qui atténue le mystère
Des sonorités, des rayons.
Non sans danger de perdre le sens de la voie
Qui conduit à l'immémorial.
Toute poésie doit partir du langage
Et se maintenir
Sur le surplomb au-dessus des vocables.
Et travailler à toute transfiguration dans le silence.
Et rêver la flèche qui va toucher la cible,
Avec la splendeur, le stupéfiant
Du rayon qui franchit l'horizontal,
Traverse l'épais feuillage,
Pénètre dans le regard du tout-petit.
C'est bien vers un jour en croissance
Qu'il faut revenir.
Et préparer toute rencontre,
Tout serrement d'esprit.
Élire la direction de l'inaugural,
Comme le fait l'oiseau.
Mais qui se réfère aujourd'hui
à la parole première qui a pensé le temps ?
Au geste du Verbe ?
Alors que le vide n'avait
Fait place à la nuit.
Et que rien n'avait engendré le soleil.
Et son premier matin,
Et la mer, et le fleuve des hauteurs,
Et tout ce qui rend la terre féconde ?
Fernand Ouellette, « Avec Hölderlin », in L'Inoubliable – Chronique I, 2005, p. 64-65)
[choix de Jean-Paul Louis-Lambert]
bio-bibliographie de Fernand Ouellette
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