Interview d'Arnaud Poissonnier sur Babyloan et le microcrédit

Publié le 09 juin 2011 par Microfinance
Dans son édition du 7 juin, le quotidien Nord Éclair a publié un entretien avec Arnaud Poissonnier, Roubaisien et fondateur du site de microcrédit en ligne Babyloan. En deux ans, 6.000 projets ont été financés.

Quel a été votre parcours ?
Je suis né et j'ai habité 25 ans à Roubaix. Mon père était notaire. Moi, j'étais plutôt un cancre à l'école. Après le lycée Saint-Adrien, je suis parti en fac de droit. J'ai fini par terminer mes études de notaire, j'ai aussi passé un master de gestion d'entreprise, puis j'ai suivi mon épouse à Paris et j'ai commencé à travailler dans une banque. J'avais pour clients des grands comptes, des gens très riches. Au bout de douze ans, je ressentais une forme d'ennui. Je me suis retrouvé un peu par hasard en charge du développement durable dans la banque où je travaillais. Je n'y connaissais rien et à vrai dire, le sujet ne passionnait pas mes collègues. Fin 2004, il y a eu le tsunami et on a collecté des fonds pour Acted, une très grosse ONG. Là, on a mis en place un groupe de travail mais c'était difficile. Puis je suis parti au Tadjikistan deux semaines, et je me suis pris une grosse claque.
C'est-à-dire ?
On comprend mieux ce que veut dire la misère, quel est l'intérêt du microcrédit. D'un seul coup, tout devenait concret. Je me posais beaucoup de questions sur ma carrière. Fin 2005, j'ai quitté la banque pour être détaché chez Acted, avec l'idée de monter ensuite une activité. J'ai découvert le site américain Kiva, qui propose du microcrédit en ligne. J'ai trouvé l'idée géniale. je me suis associée à une jeune qui sortait de l'Edhec, Aurélie Duthoit, pleine d'idées, et on a créé babyloan.org (ce qui veut dire « bébé prêt », et évoque aussi Babylone).
Quel est le principe de ce site ?
On propose aux particuliers d'être des prêteurs. Ils voient des projets, qui sont chiffrés. Ça va de la création d'une épicerie à une activité de location de robes de mariées. Les « babyloaniens » décident quel projet ils veulent soutenir. La mise minimum est de 20 €, il n'y a pas de maximum. On prête pour une durée de 3 à 12 mois, sans intérêt. C'est-à-dire que si on prête 700 €, ce qui est le montant moyen des prêts demandés à l'étranger, on récupère 700 €. L'Adie (association pour le droit à l'initiative économique) est notre partenaire en France où le montant moyen du prêt est de 3 000 €. La première à avoir été aidée, c'est Delphine, une coiffeuse à domicile à Angers. Son activité marche bien.
Arnaud Poissonnier, fondateur de Babyloan.org.

Quel est le risque pour le prêteur ?
Nous servons d'intermédiaire ente les prêteurs et les agences de microcrédit qui sont dans les pays (Vietnam, Cambodge, Philippines, Tadjikistan, Bénin, Togo, Équateur, Pérou, Nicaragua et France). On sélectionne ces organismes avec la plus grande prudence. Donc le risque est vraiment très limité, sauf si l'organisme se casse la figure. Le prêt ne se fait pas directement au bénéficiaire. Donc qu'il réussisse ou pas, le prêteur sera remboursé. 98 % des bénéficiaires du microcrédit remboursent effectivement leurs prêts.
Pas de regret de votre ancien métier ?
Aucun ! J'ai retrouvé le sens qui manquait parfois à ce que je faisais. Là, c'est vraiment du prêt pour des gens qui en ont vraiment besoin. Il faut savoir que 90 % de la population mondiale n'a pas accès au crédit. Ce qu'on fait est très concret. Au bout, il y a des gens qui font vivre toute une famille. Presque 6 000 projets ont été aidés, il faut multiplier ce chiffre par 5 au moins pour avoir le nombre de personnes qui vivent grâce à ça ! Ce qui me plaît, c'est qu'on est dans l'aide, pas du tout dans l'assistanat. On sait qu'il y a un véritable accompagnement des porteurs de projets.
Quels sont les projets de babyloan.org ?
On est dix salariés et quatre stagiaires à Paris. On va faire enter la Palestine dans les quinze jours. On espère aider encore plus de porteurs de projets. Les besoins sont immenses. On organise aussi comme ce mardi au café de l'Odéon à Lille des apéros solidaires.
Qui sont les prêteurs ?
On a une aide-soignante à Lyon qui chaque mois prête 20 % de son salaire. On a des gens de tous les milieux, qui sont contents de faire un geste utile. Le microcrédit est un outil d'expression de la dignité humaine.
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