Le plan de flotte d’Air France-KLM phagocyté par des politiques.
Cela s’appelle tout mélanger : bonnes intentions, opportunisme politique, nationalisme économique, interférence dans la gestion d’un groupe aérien binational. Le député UMP Bernard Carayon entraîne une cinquantaine de collčgues dans un curieuse démarche, une pétition pour qu’Air France-KLM achčte européen. C’est-ŕ-dire qu’elle procéder au renouvellement d’une partie de sa flotte en s’adressant ŕ Airbus et, en aucun cas, ŕ Boeing.
Aux Etats-Unis, męme Patty Murray et Norm Dick, élus-lobbyistes bien connus, n’oseraient certainement pas en faire autant ! Les imagine-t-on s’adressant au PDG d’American Airlines pour l’enjoindre ŕ ne surtout pas acheter d’avions européens ? Il leur serait rétorqué, de maničre cinglante, qu’ils devraient se contenter de se męler de ce qui les regarde, de ne pas s’inviter dans la salle du conseil de la compagnie et de réserver toute leur énergie aux affaires militaires.
On a trčs envie d’en dire autant au député Bernard Carayon. Certes, l’Etat français détient encore une petite participation dans Air France mais, pour faire simple, cela ne lui donne pas tous les droits. Encore qu’une situation similaire qui vient d’agiter Renault conduise certains ŕ en penser tout le contraire. Le męme Carayon s’était manifesté, cette fois-lŕ ŕ bon escient, lors de l’affaire épique des ravitailleurs en vol, quand il s’agissait de soutenir la proposition d’EADS auprčs du Pentagone. Mais, dans le cas présent, il s’agit d’une interférence politique inutile dans un dossier civil, qui plus est privé.
Air France s’intéresse tout ŕ la fois au Boeing 787 et ŕ l’Airbus A350 et, dans le męme temps, elle doit prévoir sans plus attendre le remplacement des plus anciens de ses A320. On imagine que le verdict, qui sera connu dans quelques semaines, prenne la forme d’un panachage, d’autant d’Air France n’a visiblement pas l’intention de mettre tous ses œufs dans le męme panier. En se partageant entre Toulouse et Seattle, elle entretient rivalité et émulation, en męme temps qu’elle se fait respecter par l’industrie tout entičre . Ainsi, Air France estime de longue date que le 777 est un long-courrier remarquable et elle a męme été le client de lancement de sa version fret. Il serait malvenu de le lui reproche, sauf ŕ remonter le cours de l’histoire pour retrouver les façons de faire d’un transporteur national.
Dčs lors, on s’interroge quand Carayon et ses amis dénoncent ce qu’ils appellent une relation Ťétrange et privilégiéeť d’Air France avec Boeing. Quelles compétences ont-ils pour se hasard sur ce terrain ? Que veulent-ils dire exactement ? Dans le męme esprit, ils contestent la réalité de la participation de l’industrie aéronautique française ŕ la production des 777 et 787. C’est agaçant et on aimerait que les membres du Boeing French Team rompent le silence pour dire que cette critique est tout simplement ridicule.
Si nous étions le 1er avril, sans doute nous risquerions-nous ŕ laisser entendre qu’Air France s’intéresse sérieusement au C919 chinois et au MS21 russe. Nos chers députés s’étrangleraient de rage et peuvent-ętre provoqueraient-ils un petit incident diplomatique qui amuserait tout le monde. Encore ignorent-ils que la compagnie française a examiné trčs attentivement les caractéristiques de l’avion régional Sukhoi Superjet 100. Normal !
Le plan de flotte d’Air France (et qui plus est d’Air France-KLM) ne doit en aucun cas ętre phagocyté par des politiques français sortis de leur rôle. De toute maničre, d’autres dossiers l’ont montré récemment, l’aviation est un secteur économique et industriel trop sérieux que pour souffrir la moindre ingérence politique. Chacun devrait en ętre conscient, męme dans le lointain Tarn.
Pierre Sparaco - AeroMorning