Le 25 mai 2011 le Conseil fédéral prenait la décision d'abandonner progressivement le nucléaire. Il justifiait cet abandon par deux
arguments ici :
- "Le peuple suisse souhaite restreindre les risques résiduels liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire eu égard aux lourds dégâts causés par le séisme et
le tsunami à Fukushima"
- "Vu l'augmentation prévisible du prix de revient du courant nucléaire (nouvelles normes de sécurité, rééquipements, réévaluation de la responsabilité civile,
financement plus difficile du fait de primes de risque plus importantes pour les bailleurs de capitaux), l'énergie nucléaire perdra en outre ses avantages concurrentiels sur le long terme par
rapport aux énergies renouvelables"
Le premier argument était un argument typiquement émotionnel, basé uniquement sur des sondages d'opinion, où le Conseil fédéral reconnaissait, au passage que l'accident de
Fukushima était dû à des causes naturelles, séisme et tsunami... et qu'il n'y avait que des risques résiduels ... dans l'utilisation de
l'énergie nucléaire.
Le deuxième argument était un argument typiquement économique, basé uniquement sur des conjectures complètement invérifiables à l'heure présente.
Le Conseil fédéral, qui n'en était pas à une contradiction près, reconnaissait dans le même temps que :
" Les investigations de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) ont démontré que l'exploitation sûre des centrales nucléaires suisses était actuellement garantie."
Autrement dit l'argument de la sécurité n'était pas un argument massue... mais justifiait toutefois un abandon du nucléaire.
Aujourd'hui, 8 juin 2011, au Conseil national, les 101 voix, qui ont approuvé cet abandon, viennent de la gauche et du PDC - Parti Démocrate Chrétien. L’UDC - Union
démocratique du centre - a voté contre, 54 voix. Les libéraux-radicaux se sont abstenus, 36 voix. On notera que 9 députés étaient donc absents... [la photo ci-dessus provient d'ici]
En résumé, très schématiquement, les utopistes l'ont emporté sur les réalistes. Car le peuple suisse pourrait bien déchanter quand l'addition lui sera présentée. Les prix de l'énergie pourraient augmenter, c'est-à-dire le niveau de vie se réduire. Les taxes pourraient se multiplier, c'est-à-dire la servitude à l'égard de l'Etat augmenter. Les utopistes en acceptent tranquillement l'augure dans leur ensemble...
En fait le plus beau est que personne n'en sait rien, que les calculs prospectifs ne peuvent être qu'approximatifs et que l'on a pris une décision en étant complètement incapable d'en mesurer les conséquences. On a pris une décision typiquement populiste, qui peut rapporter gros - les élections fédérales sont dans quatre mois - auprès d'un public mal informé sur ces questions énergétiques complexes. L'adoption du nucléaire avait été arbitraire, la sortie ne le sera pas moins.
Mais l'affaire n'est pas terminée. L'émotion suscitée par l'accident de Fukushima, qui l'a emporté sur la raison aujourd'hui, va immanquablement s'estomper avec le temps. Le Conseil des Etats devra encore se prononcer la semaine prochaine. La révision de la loi n'interviendra de toute façon que l'année prochaine, après les élections fédérales...
D'ici là beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts de l'Aar...
Francis Richard