Magazine Culture
Choisir, pour un premier film, d’adapter en images de synthèse l’entêtant et sombre La Nuit des enfants rois de Bernard Lenteric- narrant les tourments d’une bande d’ados surdoués et exclus de la société- était un pari un peu fou, osé, courageux. Antoine Charreyron se montre-t-il à la hauteur du challenge ? Oui, … et non. Oui, parce que l’univers qu’il a créé est soigné et crédible, empruntant un peu partout (comics US, mangas japonais, jeux vidéos) pour mieux recracher sa singularité sur la table. Oui, encore, parce qu’il a su transposer l’action (en France) et l’époque (les années 80) dans un New-York contemporain, et un monde gangréné par de nouveaux maux (les télés réalités, le capitalisme, le conformisme social). Oui, enfin, parce que la technique est maîtrisée (3D solide, motion capture pour plus de véracité, violence graphique pour ne rien édulcorer). Et pourtant, The Prodigies ne convainc qu’à moitié.
L’erreur est à chercher dans le fond, qui prend pas mal de libertés avec le bouquin et s’éloigne- jusqu’au final massacré- des thématiques qui faisaient tout le sel, toute la noirceur, toute la radicalité du roman de Lenteric. Pourquoi avoir doté les adolescents de pouvoirs surnaturels par exemple ? Les œuvres se basant sur ce parallèle (différence/pouvoirs magiques) défilent par milliers sur les écrans ! (X-Men en chef de file, Harry Potter, Numéro 4, etc.). Pourquoi choisir de montrer le viol de la jeune fille et de fermer les yeux sur sa liaison avec son mentor Jimbo ? (essentielle dans le livre). Pourquoi ces transformations manichéennes finales ? Ouvertes à une suite ? Charreyron se réclame de la french team (entouré par de beaux noms : Kassovitz donne de la voix, les scénaristes de Renaissance prêtent leurs stylos) et dénonce, au travers du récit adapté, ce dans quoi- ironiquement !- il finit par se vautrer : les contraintes et figures imposées d’une américanisation de masse.