Habituellement, on aime à se délecter des petits malheurs de nos voisins footballeurs ,qu’ils soient messins nancéiens ou strasbourgeois. On sourit à chacune de leur défaite, on se moque gentiment de Rousselot quand il annonce la venue de Jardel qu’on ne verra jamais finalement, et certains ont sans doute espérer un Metz-Strasbourg en national la saison prochaine ou un bon vieux derby Nancy-Metz en ligue 2.
Mais là, les problèmes du Racing Club de Strasbourg ne me font pas rire . Car j’aime le football, j’aime ces soirs de matchs particuliers entre les clubs lorrains et messins et cette rivalité folklorique disparaîtra avec le racing si son destin se confirme. Et il faut dire aussi que le Racing réussi plutôt bien à Metz (depuis 1992, 7 victoires seulement pour le racing en championnat contre 17 pour Metz)
Car oui, le fameux racing Club de Strasbourg, ce club champion de France en 1979, vainqueur de trois coupe de France , dont la dernière il y a tout juste dix ans (finale auquelle j’ai assisté dans le camp d’en face bien que pas amiénois pour un sou) , vainqueur de deux coupe de la ligue dont la deuxième il y a à peine 6 ans,ce club véritable institution en Alsace est bien condamné à mort sauf revirement de dernière minute.
L’exigence des supporters locaux, l’influence du microcosme local ont conféré à ce club la réputation d’être « l’OM de l’est » ;déjà à la fin des années 90, lIMG Mc Cormack a eu toutes les peines du monde à tenir les rênes, Patrick Proisy ayant progressivement eu à faire face à l’hostilité grandissante des supporters et des anciens dirigeants du club.
Et si à l’époque il y avait à boire et à manger dans le bilan des propriétaires du club, tout a fini par se dérégler complètement au cours des années 2000 où le Racing fait face à une instabilité chronique, épuisant les présidents, (4 pour la seule saison 2009-2010 !), connaissant des épisodes sportifs très inégaux (victoires en coupe mais aussi plusieurs relégations) mais aussi des troubles en tribunes (affaire du pétard lors d’un Strasbourg-Metz qui sera rejoué à huis clos avec une victoire capitale pour Metz, groupuscule d’extrême droite proférant des insultes racistes…).
L’arrivée en Alsace de Jafar Hilali en décembre 2009 s’accompagne donc de légitimes interrogations que les agissements pour le moins rocambolesques du propriétaire du club ,vivant à Londres et brillant par son absence en Alsace ne feront qu’accroître. Mr Hilali n’aura jamais eu le bénéfice du doute aux yeux des supporters qui très vite demanderont son départ ; et pour cause…
Longtemps son rôle sera flou, Hilali se présentant comme le représentant d’un certain Monsieur Fontenla ; en réalité, le donneur d’ordre c’était bien lui, Fontenla pouvant plutôt être considéré comme un homme de paille.
Il se rend célèbre par son fameux coup de fil à un ami avant un match décisif en mai 2010 contre Chateauroux : alors que l’entraineur est Pascal Janin, Hilali appelle Courbis pour lui demander une composition d’équipe avant ce match. Qui se soldera par une défaite envoyant les alsaciens pour la première fois de leur existence en National.
Aussi incongrues sont les interventions de Jafar Hilali sur un forum de supporters sous le pseudo Darius, où il tente de défendre sa gestion du club évoquant la théorie du Chaos pour expliquer ce qui se passe dans ce club qu’il dit défendre « à 300% ».
Il faut dire aussi que le bougre met beaucoup de coeur pour se mettre les supporters strasbourgeois à dos ; à l’automne 2010, alors que le club navigue en eaux troubles du championnat de national, très loin des objectifs de remontée , ceux-ci demandent sa démission par des banderoles qui fleuriront toute la saison à la Meinau ; vexé , l’homme d’affaires annonce la fermeture du virage où se massent les supporters du club coupables de crime de lèse-majesté. Il sera obligé de revenir sur sa décision une dizaine de jours plus tard.
Parmi ses autres exploits et effets d’annonce : sa volonté de construire un nouveau stade près d’Eckbolsheim financé en grande partie par des fonds publics (à qui il demande beaucoup par ailleurs) , son annonce de vouloir fusionner Strasbourg avec Mulhouse et de faire jouer ce nouveau club à Mulhouse (ah le stade de l’Ill…), sa volonté de verser 200000 euros (quand le club peine à verser les salaires de ses employés) à Rouen en cas de victoire des normands contre Guingamp qui aurait permis aux ciel et blanc de retrouver la ligue 2 en mai dernier, sa volonté de faire jouer le dernier match à domicile de la saison à huis clos et d’atterrir sur la pelouse en hélicoptère pour éviter la foule…il se bat aussi avec l’association détentrice du numéro d’affiliation du Racing auprès de la FFF lui réclamant le paiement de salaires qu’auraient versés le club à des employés de l’association…Le site officiel du club, qui a toujours été une assez médiocre vitrine pour un club de ce calibre (les supporters lui préférant le site Racingstub) ressemble à un champ de bataille mettant aux prises Jafar Hilali, agissant à coups de communiqués, au reste du monde…
La situation est ce soir quasiment désespéré pour le club alsacien de référence. Les dirigeants ont confirmé qu’ils allaient abandonner le statut professionnel, entrainant inéluctablement l’interdiction de remonter en ligue 2 durant 2 ans ; mais pire que ça, le club se dirige tout droit vers un dépôt de bilan, aucun repreneur n’étant prêt à mettre les 10 millions que réclame Hilali pour reprendre un club endetté…Dépôt de bilan qui pourrait déboucher sur une liquidation judiciaire fatale à ce club qui a fêté son centenaire il y a 5 ans, un peu à l’image de ce qui s’est produit pour le vieux FC Gueugnon il y a quelques semaines sous les bons offices de Tony Vairelles guère plus inspiré dans sa gestion du club bourguignon que dans son choix de coiffeur…
L’abandon du statut pro entrainera aussi de facto la fin de tous les contrats liant les joueurs et membres du staff au club , même ceux des aspirants du centre de formation pourtant parmi les plus efficaces de France…une catastrophe monumentale car cela signifie que même dans le meilleur des cas, si le Racing continuait l’aventure en National par on en sait quel miracle financier, il repartirait sans le moindre joueur sous contrat !
Du côté des supporters on regarde tout cela triste et presque résigné »Un club meurt lorsqu’il n’a plus de supporters. Le Racing est immortel. » dit un prénommé Athor sur le site Racingstub. Faible consolation. Certains veulent encore y croire, espèrent l’arrivée d’un sauveur millionnaire, mais l’horloge tourne : samedi matin, l’Alsace sera fixé sur le sort de son club chéri que les joueurs quittent déjà les uns après les autres, tout comme l’entraineur intronisé cet après-midi à la tête de l’AJ Auxerre.
Vus de Metz, les malheurs alsaciens ne doivent réjouir personne ; la rivalité sportive entre nos deux clubs fait partie du patrimoine du football français ; le Derby de l’Est , s’il n’a pas pour nous messins l’intensité d’un derby régional contre l’AS Nancy Lorraine n’en reste pas moins une date à part dans le calendrier , celle que l’on cherche en premier dans le programme d’une saison.
A titre personnel , je ne sais que trop bien ce que c’est que d’avoir un club dans la peau, de l’aimer comme l’aimaient avant nous nos grands parents, de souffrir avec lui dans les moments difficiles, de voir bafouée une histoire riche et passionnante ( comme dans certains recoins de St Symphorien, les quelques nazillons qui ont pollué la Meinau feraient bien se pencher sur l’histoire de leur club, symbole de la lutte contre l’occupant nazi), pour sourire de ce qui arrive au Racing qui se meurt .
Un coma dans l’indifférence général du football français qui ne jure que par ces clubs huppés dont le moindre geste fait la une de France football, oubliant ce qu’il doit à des clubs comme Strasbourg.
Bon courage aux supporters du Racing, j’espère que vous vous débarrasserez vite des fossoyeurs de votre club. Et que nous nous retrouverons rapidement sur les terrains d’un championnat de France professionnel. Car je préférerai toujours un Metz-Strasbourg à un Metz-Arles ou un Metz- Evian.