Il s'agit de Mireille Perrot Tomsett, magistrat honoraire au TGI Nanterre, qui a acceptée de répondre à nos questions sur " les jurés citoyens ", cette nouveauté de la justice française.
Voulus par Nicolas Sarkozy, les jurés citoyens (ou populaires) vont voir le jour. En effet : " (...) le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et sur le jugement des mineurs (...) " En conséquence : " (...) Des citoyens seront amenés à siéger aux côtés des magistrats dans les tribunaux correctionnels, les chambres des appels correctionnels et les juridictions d'applications des peines (...) " - Source Net Iris
Commentant en février 2011, le futur projet, le Président de la République déclarait : " (...) c'est vous qui donnerez votre avis sur le quantum des peines à appliquer à tel ou tel délinquant qui passera devant vous (...) Il y aura des magistrats professionnels et, à côté d'eux, des habitants du département (...) la justice est rendue au nom du peuple français, désormais elle sera rendue aussi par le peuple français"
Libr'acteurs : Mireille Perrot Tomsett, ce nouveau système va t-il accélérer les procédures ?
Mireille Perrot Tomsett : La réponse est Non. En effet, il faudra former les jurés, les recruter périodiquement et les contrôler !
Libr'acteurs : Selon vous qu'est ce qui a motivé les choix du gouvernement et quelles vont en être les conséquences ?
Mireille Perrot Tomsett : Les choix sont à la fois économiques et politiques. En effet, les magistrats coûtent cher si l’on conserve le principe de la collégialité (Le principe de collégialité désigne le fait qu’une affaire soit jugée par plusieurs juges, siégeant et délibérant ensemble ) Or, reconnaître qu’un magistrat unique peut en remplacer trois c’est : " se prendre Les pieds dans le tapis " !
Donc : Moins de recrutement de magistrats, mais plus de citoyens rémunérés sur des bases ... à déterminer. Dois t-on définir que la valeur de chaque citoyen juré puisse dépendre de son statut professionnel, ou être égale pour tous ? Importante question, à mon sens, notamment pour les chômeurs !
Libr'acteurs : Dans cette affaire, les magistrats sont-ils responsables de leur sort ?
Mireille Perrot Tomsett : A mon sens non. Néanmoins, mais leur formation l’est. On pourrait dire qu'ils ont été « énarchisés », dans la mesure où ils ont été formés de l’université à l’école de la magistrature, sans jamais prendre aucun risque financier. D'où un certain formatage et l'habitude d'un fonctionnement totalement hiérarchisé.
Libr'acteurs : Que pensez-vous de l'action des politiques face au corps judiciaire ?
Mireille Perrot Tomsett : Il faut d'abord se rappeller qu'il existe deux types de magistrats. Si les magistrats du siège ont pris l’habitude d’affirmer leur indépendance statutaire, les magistrats du parquet (dont la fonction a été remise en cause par la cour européenne des droits de l’homme) dépendent de l’autorité du Ministre de la justice, contre le principe de la séparation des pouvoirs.
Ce qui est regrettable, c'est qu'au lieu de trancher une fois pour toute le statut des uns et des autres et de les dissocier, les politiques préfèrent valoriser le bon sens populaire et engager les citoyens à canaliser les sentences des juridictions correctionnelles.
Libr'acteurs : En fin de compte, pour vous, c'est une bonne ou une mauvaise réforme ?
L’expérience du jury au criminel est satisfaisante, alors, pourquoi ne pas l’adopter en correctionnelle. Mais dans ce cas, remettons le parquet à sa juste place. Car, si la représentation de la société est une mission publique ( dépendant du ministre de la justice) ses agents sont donc des fonctionnaires ou des administrateurs civils.
A mon sens, pour que le pouvoir judiciaire existe, il doit être uniquement représenté par des magistrats du siège, indépendants et inamovibles. le pouvoir judiciaire n'existe pas , seule l'autorité judiciaire est constitutionnellement reconnue.
Merci Mireille Perrot Tomsett
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