Lonely stars (chronique de l’amertume)

Par Borokoff

A propos de Lonely tunes of Tehran et Quelques kilos de dattes pour un enterrement, deux films de Saman Salour 4 out of 5 stars

A Téhéran, Behrouz et son cousin Hamid écument la ville à la recherche de clients potentiels chez qui ils pourraient installer des antennes paraboliques, interdites en Iran…

Fable poétique et humaniste, Lonely tunes of Tehran (2008) décrit la trajectoire singulière et chaotique de deux êtres perdus qui errent comme des âmes en peine. Hamid est un ingénieur en télécommunication nain et bavard, Behrouz un géant simplet et mutique qui se fait passer pour un vétéran de la guerre contre l’Irak (1980-1988).

Formant un couple loufoque à la Laurel et Hardy, nos pieds nickelés s’assomment de remontrances et enchainent les désillusions amoureuses. Hamid joue les gros durs moralistes tandis que Behrouz, à qui il « manque une case », tente de séduire pathétiquement une cliente. Sortes de « clowns tristes » et de « losers magnifiques », Hamid et Behrouz partagent derrière leur masque la même solitude et le même désenchantement amoureux.

Hamid collectionne dans un bocal des petites étoiles qui symbolisent le nombre de filles dont il s’est amouraché en vain. Behrouz accroche lui des roses qu’il pend à l’envers pour montrer ses échecs amoureux.

Avec ce « couple » de marginaux, Saman Salour parvient à narrer une chronique tendue parfois à la limite du misérabilisme mais touchante parce que bien construite dans son scénario et rigoureuse dans sa mise en scène. Les répliques et les vannes qu’envoie d’Hamid à Behrouz sont hilarantes, qui révèlent une finesse d’esprit insoupçonnée.

Si Lonely tunes of Tehran a dû attendre trois ans pour sortir en France, que dire de Quelques kilos de dattes pour un enterrement, tourné en 2006 !

Le précédent film de Saman Salour est construit autour d’une trame dramatique similaire à celle de Lonely tunes of Tehran. Sadry et Yadi sont deux employés d’une station essence déserte depuis la construction d’une déviation de l’autoroute.

Sadry est un ancien bateleur devenu borgne et handicapé d’un bras à la suite d’une chute. Yadi est un rêveur sentimental qui fait parvenir en secret des lettres d’amour à une mystérieuse femme par le biais du facteur Abbas. Mais depuis quelques temps, Sadry a un comportement bizarre : il s’absente plusieurs fois par jour sans raison. Yadi découvre bientôt la cause de ces disparitions momentanées…

Histoire d’amitié entre deux hommes seuls que tout sépare, Quelques kilos de dattes pour un enterrement décrit le destin tragi-comique de deux marginaux perdus cette fois au milieu de nulle part. Malgré le climat d’hostilité qui règne au départ entre eux, Sadry et Yadi deviendront les meilleurs amis du monde, soudés à la fois par la même sensation amère de ne pas appartenir au monde ni à la société et leurs déceptions amoureuses.

Il y en revanche plus de bizarre voire de morbide dans ce film tourné en noir et blanc. Sadry rend quotidiennement visite à une photographe morte (par accident) et ensevelie dans sa voiture sous la neige. Si Quelques kilos de dattes pour un enterrement parait plus décousu que Lonely tunes of Tehran , on reconnait néanmoins le sens indéniable du récit de Salour qui construit là une fable forte aux fils certes un peu distendus mais tout aussi prenante…

Lonely Tunes of Tehran et Quelques kilos de dattes pour un enterrement. Films iraniens de Saman Salour. (1h 15 et 1h25.)

Scénarios : 3.5 out of 5 stars

Mise en scène : 3.5 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 5 out of 5 stars