Épisodiquement, Diérèse consacre l’une de ses livraisons trimestrielles à un seul poète. C’est le cas de ce numéro double qui, hormis quelques notes de lectures, publie un volumineux dossier sur Thierry Metz. Isabelle Lévesque en est l’instigatrice avec le soutien immodéré de Daniel Martinez, directeur émérite de Diérèse, une revue désormais solidement ancrée dans le paysage poétique contemporain. Né en 1956, Thierry Metz met fin à ses jours en 1997. Il compte au nombre de ces poètes « suicidés de la société » dont la liste hélas ne cesse de s’agrandir. Autodidacte, il s’avoue inapte à accepter les compromis et concessions de la vie courante. La perte accidentelle de l’un de ses trois enfants va rajouter à une souffrance qu’il tente d’exorciser par l’écriture : « Je dois tuer quelqu’un en moi, même si je ne sais pas comment m’y prendre. » Vivant dans un étroit dénuement ponctué de cures de désintoxication et de séjours en hôpital psychiatrique, il puise dans la poésie la seule forme d’expression apte à traduire sa pensée. Dès ses premiers textes il se fait remarquer par quelques uns de ses pairs, unanimes à reconnaître la transparence lumineuse de cette écriture épurée ne souffrant aucune surenchère. Une dizaine d’ouvrages viendront jalonner ce parcours trop tôt interrompu, parmi lesquels « Le Journal d’un manœuvre » et « Lettres à la Bien-Aimée », tous deux publiés dans la collection « L’Arpenteur » chez Gallimard. De nature métaphysique, l’œuvre de Thierry Metz possède une indéniable force qui, au-delà même de vers souvent déroutants, atteint son but : « Donner à sa langue / le pain. / En prière / Journées de ces mots avec lesquels / je n’attends que la nuit / La nuit d’aucune parole. » De nombreux poètes et éditeurs plus ou moins amis ont participé à cet hommage. Citons Christian Bobin, Jacques Ancet, Jacques Brémond, Jean-Gabriel Cosculluela, Yves Charnet…Mais le rendez-vous prioritaire demeure ici celui de la rencontre avec les poèmes et entretiens de Thierry Metz. On retiendra notamment « Le carnet d’Orphée », petit ensemble inédit reproduit en fac-similé dans sa version originale constituée de 23 pages quadrillées d’un agenda de poche daté de 1996. Diérèse N°52-53 rassemble sans doute, à ce jour, la plus importante somme dédiée à ce poète écorché qui trouve ainsi un regain d’intérêt. C’est en tout cas le vœu formulé.
[Alain Helissen]
Diérèse N° 52/53 ; 8 avenue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière ; 230 pages, 15€.