C'était il y a un mois ou deux, alors que je lisais bien tranquillement le dernier livre de François Houtard, Délégitimer le capitalisme - Reconstruire l'espérance (que je vous recommande en passant). Une amie d'une colocataire avait eu cette réaction éberluée. J'avais ri.
Mais la semaine passée lors de ma participation au Parlement Jeunesse (que je vous recommande tout autant !), la répétition de ce phénomène m'a laissé plus que dubitatif. Il faut dire que je faisais partie des farouches opposants à un projet de décret visant à équarrir* notre système d'assurance chômage...
Mais pourtant, amis lecteurs, comme vous l'aurez sûrement remarqué à la lecture de ces modestes pages, le qualificatif de "communiste" est généralement assez peu pertinent pour décrire mes opinions. En fait les raisons qui m'empêchent d'adhérer au projet communiste (mais pas à l'idéal égalitaire qui l'anime, ni à la critique marxiste du capitalisme) sont autant de caractéristiques qu'il partage avec l'idéologie dominante : productivisme ou fétichisme de la croissance, ainsi que la place prépondérante du travail, masquant les autres possibilités de l'agir humain.
Bien sûr, je fais à moitié semblant de m'étonner. A moitié seulement, parce qu'une partie de moi espérait sans doute un peu plus de finesse d'analyse de la part de mes semblables (ou camarades, tant qu'on y est !). Hélas, dans ma naïveté j'oubliais presque que, dans les esprits, la chute du mur de Berlin n'a pas seulement jeté le discrédit sur la pensée marxiste (ce qui n'est déjà pas évident, vu la distance entre celle-ci et la réalité du régime soviétique), mais également sur toute possibilité d'une critique "externe" du capitalisme. Si vous rejetez certaines évidences communes (je n'aime pas crier à la pensée unique mais vous voyez l'idée), vous serez traité, au mieux d'idéaliste**, autrement dit de gentil con, au pire de communiste, autrement dit de gentil con arriéré.
Évidemment, la démocratie se nourri de ce genre de dualismes simplistes, et depuis 1989 on a rien trouvé de plus vendeur que la lutte des mangeurs d'enfants contre les banquiers à haut-de-forme. Or, depuis l'obsolescence de ce schéma fort commode, la gauche anticapitaliste apparaît fort éclatée et n'est pas encore parvenue à proposer un projet politique complet et cohérent.
Désespérant ? Pas forcément. Car il y a du bon dans cette situation. En effet, nous les idéalistes, les gauchos, en un mot : anticapitalistes, sommes aujourd'hui libres des carcans dogmatiques qui ont longtemps animé la gauche. Finis les "social-traître", "bourgeois", "vendu" ! Ceux qui jettent les anathèmes, ce sont ceux d'en face ("utopistes !", "rétrogrades !", "fainéant !"). Nos idées ne sont plus soumises à l'autorité d'instances supérieures : la ligne Parti pour les uns, la loi du Marché pour les autres.
Les pistes de réflexions sont encore très diverses, peu structurées: Tant mieux! C'est d'un tel foisonnement que pourra (devra) émerger un système philosophique complet doublé d'un projet politique susceptible d'être consacré comme une alternative crédible à l'idéologie dominante. En évitant toutefois de tomber dans ce travers qui consiste à remplacer un dogme par un autre...
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* : Admirez l'euphémisme...
** : Par opposition aux pragmatiques qui ont le monopole des propositions constructives et légitimes