Vous aimez l'hémoglobine ? La violence ? Les meurtres en série ? Les descriptions très réalistes sur les différentes manières efficaces d'envoyer quelqu'un ad patrem ? Ce livre est pour vous !
Mais vous pouvez également le lire pour d'autres raisons, qui à mon avis seront d'autant plus intéressantes... En effet, si Battle Royale est un livre extrèmment violent, il n'en n'est pas moins un livre passionnant.
Extrait de L'Encyclopédie de la Grande Asie
Programme [program] n.m. :
[...]
4. Depuis 1947, simulation de combat exécutée à des fins de défense nationale par les forces terrestres d'intervention rapide de notre Nation. (Nom officiel : « Expérimentation militaire du Programme 68 ».) Chaque année, cinquante classes de troisième choisies au hasard parmi l'ensemble des collèges du pays y participent. Le déroulement de l'expérience est très simple en lui-même : laisser se battre entre eux les élèves d'une classe jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un seul survivant, l'objectif étant de recueillir diverses données statistiques sur le temps mis par le champion à exterminer le reste de la classe ; le Programme constitue à ce titre un élément essentiel de notre souveraineté nationale et de la politique de défense de notre pays. Le survivant de chaque classe (appelé le/la champion/ne) gagne le droit de vivre aux frais de l'État jusqu'à sa mort, ainsi qu'un autographe authentique de la main de Sa Grandeur le Reichsführer en personne. Le 317e Reichsführer prononça le fameux "discours d'avril" pour condamner les agitations fomentées par de dangereux extrémistes qui tentèrent d'empêcher la mise en place du Programme lors de ses premières éditions.
Nous voici donc sur une île gardée par les forces de l'ordre d'un Japon futuriste, régime totalitaire dirigé par le Reichführer. 40 élèves d'une classe de 3ème, sequestrés alors qu'ils pensaient partir pour un banal voyage de classe, vont devoir s'affronter à mort pendant 3 jours, afin qu'il ne reste à la fin du délai imparti qu'un ou une seule gagnante. A chacun, on donne un sac à dos contenant un peu d'eau, un peu de pain, une carte de l'ïle et une arme (qui peut être aussi bien un fusil mittrailleur, une machette, un couteau de chasse, un gilet pare-balles qu'un GPS ou un bête fil...). Les élèves sont envoyés un par un en dehors de "l'école", le bâtiment où logent l'ordonateur du jeu et ses sbires qui veilleront à ce qu'aucun ne triche ni ne puisse s'enfuir. Chaque élève est doté d'un collier électronique permettant de le situer en permanence et risquant d'exploser s'il ne respecte pas les zones interdites, annoncées à intervalle de temps régulier par haut parleur.
Tous sont affolés, aucun ne veut mourir... Et voilà que se déchaîne la violence, mais aussi tous les sentiments, exacerbés par la peur. En effet, chacun des élèves va réagir différemment. Certains vont tenter de se regrouper pour survivre, d'autres vont choisir de décimer à tour de bras tous ceux qu'ils croiseront. Les amitiés se nouent, et surtout se dénouent à une vitesse vertigineuse, car comment, dans ce contexte apocalyptique, faire confiance à ses camarades, comment savoir si l'amitié tissée au fil des ans, tiendra face à ce challenge : être le seul survivant.
Les jeunes gens et jeunes filles vont devoir aller chercher des forces, physiques et mentales, au plus profond d'eux-mêmes et chacun le fera à sa façon... Les souvenirs d'enfance affluent, les angoisses aussi, les regrets de tout ce qu'ils n'ont pas eu le temps de vivre, ou au contraire d'évènements qui leur sont arrivés. Les protagonistes sont décrits avec justesse, même s'ils sont parfois un peu caricaturaux : rebelle, gentil un peu niais, fille timide, bricoleur de génie, solitaire, manipulatrice... Tous les tréfonds de l'âme humaine ressortent au grand jour, soulevés par la maîtresse de ce jeu sordide : la peur. Ces adolescents, même en sitation extrême, éprouvent néanmoins également les sentiments liés à leur âge, et les plus dangereux ne sont pas forcément ceux que l'on imagine...
Cette manipulation psychologique à grande échelle est totalement prenante. On ne peut lâcher le roman tant on veut savoir, enfin, qui va réussir à se sortir de cette situation, qui va être le plus malin, ou le plus cruel pour supplanter ses camarades. S'il est un peu difficile au début de suivre tous les personnages, dont les noms japonais sont un peu compliqués à mémoriser malgré la liste fournie au début du roman, on prend néanmoins partie pour eux, on les aime, on les plaint, on les observe de loin, en comptant à chaque chapitre le nombre de survivant...
Plus qu'un récit d'une bataille sanglante, ce roman traite de la peur, et de ce que cette peur de mourir ou de souffrir peut entrainer comme comportements, et comme conséquences. On y voit également une critique acerbe des régimes totalitaires : le système ultra rigide qui dirige ce pays ne va-t-il pas, un jour, imploser ? La soumission des masses à l'autorité prendra-t-elle fin, grâce au courage de certains qui refusent de se faire dicter leur conduite ? Car pour survivre dans une dictature, et dans ce jeu en particulier, il est impératif d'abdiquer tous ses principes : seul le plus fort vaincra et tous les moyens sont bons pour aboutir au terme du jeu et ne pas se faire tuer. Donc, chacun, à un moment ou un autre, devra tuer pour défendre sa propre vie... L'amour, l'amitié, la confiance ne sont plus que des concepts abstraits qui entravent leur jugement et risquent de leur coûter la vie. Les souvenirs de ces adolescents, leurs histoires d'amour ou leurs aventures, leurs pensées sont décrits au fil du récit et leur redonnent, fort heureusement sinon ce livre serait abominable à lire, l'humanité que ce Programme veut leur enlever. La nature profonde de chacun est mise à jour à cause de cette terreur qui les tenaille, c'est terrible et on ne peut pas s'arrêter de lire tant qu'on ne sait pas quel est le vainqueur, qui, de ces 40 innocents (mais certains le sont au départ bien moins que d'autres), sera le combattant ultime...
Alors, oui, la violence est omniprésente tout au long de ce roman, mais les descriptions de ses mécanismes sont si intéressants que ce livre est au final totalement passionnant.
"Comment peut-on tuer ses camarades de classe ? Certes, cette règle leur avait été imposée, mais Yumiko n'arrivait pas à croire qu'il existait quelqu'un capable de jouer le jeu. Et pourtant...
Oui, et pourtant... Si elle se retrouvait face à quelqu'un qui en voulait à sa vie, elle pouvait s'imaginer passer à l'acte, elle aussi. Et si elle en était capable, tout le monde le pouvait, non ?"
Un roman voyageur de Liyah, lu également par Sandrine, Lasardine, Hydromielle...
Un site internet non officiel, mais très intéressant, à ne regarder qu'après avoir lu le roman. L'histoire de Battle Royale existe également en manga (qui à mon avis ne traduit que la violence, puisque les pensées des joueurs ne doivent pas pouvoir être aussi bien disséquées) et en film.