La bactérie qui a déjà provoqué la mort de 25 morts en Europe et 2 700 infections rien qu'en Allemagne reste toujours insaisissable. Lundi 6 juin, les premiers tests sur des graines germées d'une exploitation agricole bio allemande se sont révélés négatifs. "Nous ne levons pas pour autant nos soupçons", a toutefois précisé Gert Hahne, porte-parole du ministère de la consommation du Land de Basse-Saxe. "La production de graines germées, très favorable à la multiplication des bactéries, peut être la source de la contamination en dépit de ces résultats négatifs", confirme Christophe Nguyen-The, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) en microbiologie des aliments d'origine végétale.
Connaît-on des cas d'épidémies dues à des bactéries E. coli contenues dans des germes ?
La souche d'Escherichia coli O104-H4 est très rare et n'a jamais été à l'origine d'une épidémie par le passé. Malgré tout, la bactérie E. coli, elle, très répandue sur la planète, est connue des scientifiques, et quelques grosses épidémies ont déjà été observées sur tous les continents.
En 1982, par exemple, une cinquantaine de personnes ont été infectées aux Etats-Unis par des Escherichia coli O157-H7 contenues dans des steaks hachés. En 1996, la même souche a aussi été observée en Ecosse, où elle a touché plus de 500 personnes. La même année, le Japon a recensé 10 000 cas, dont huit mortels, en raison de germes de radis. En 2000, l'eau courante contaminée a fait 2 000 malades près de Toronto au Canada. En France, deux épidémies ont été enregistrées en 2005 : dans le Sud-Ouest, en raison de steaks hachés pas assez cuits, et dans le Calvados, où on avait détecté la bactérie dans le camembert.
Les graines germées sont-elles davantage exposées au développement de bactéries que d'autres végétaux ?
Les graines germées sont indéniablement un milieu très favorable au développement des bactéries. Ces micro-organismes bénéficient d'une ambiance très humide et d'une température élevée, supérieure à 25 °C, nécessaires à leur culture. Ils se nourrissent par ailleurs des matières organiques relarguées par la germination. Dans cet environnement propice, les bactéries se multiplient très vite. A la récolte des graines, après quelques jours, on obtient bien plus de bactéries qu'au départ, entre 10 000 et 100 000 fois davantage selon les conditions d'humidité et de chaleur.
Au contraire, la production de fruits et légumes, dans des champs, constitue un milieu très stressant pour ces bactéries. Elles sont ainsi exposées aux ultraviolets de la lumière du soleil, à des variations d'humidité très brutales et ne sont pas adaptées pour vivre dans le sol, en raison de la compétition entre les micro-organismes qu'on y trouve. Très peu de ces bactéries parviennent à survivre dans ces conditions. Elles meurent progressivement après quelques jours, ou quelques semaines. Ainsi, quand on récolte de la salade ou des tomates, la probabilité qu'elles soient contaminées par la bactérie est faible.
Les tests négatifs réalisés sur les graines germées en Allemagne éloignent-ils tout soupçon de ces cultures ?
Non, malgré les résultats négatifs, c'est-à-dire le fait que l'on n'a pas retrouvé de lot contaminé, les graines germées peuvent toujours être à l'origine de l'épidémie. Les contaminations sont en effet souvent occasionnelles, sur certains lots de graines en particulier. Or, ces germes sont des produits dont la durée de vie est courte. Les lots testés n'ont donc rien à voir avec les lots qui ont été vendus et consommés il y a trois semaines, auxquels les scientifiques n'ont plus accès.
Comment ces cultures pourraient-elles avoir été contaminées ?
Tout est possible. Les graines, si elles s'avéraient à l'origine de l'épidémie, pourraient avoir été contaminées par le sol, après l'épandage du fumier ou en cas d'intrusion d'un animal dans une parcelle réservée à la culture. Mais ces graines pourraient aussi avoir été stockées dans une enceinte souillée, lavées dans une eau impure ou encore conditionnées sans respect des règles d'hygiène.
Propos recueillis par Audrey Garric
Article publié le 07/06/11 sur lemonde.fr
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