Tomboy

Publié le 07 juin 2011 par Tedsifflera3fois

Un film de Céline Sciamma avec Zoé Héran, Malonn Lévana et Jeanne Disson
Drame – France – 1h22 – Sorti le 20 avril 2011
Synopsis : Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu’elle est un garçon, sans penser aux conséquences…

Céline Sciamma a un regard extraordinairement juste. Après Naissance des pieuvres, dans lequel deux adolescentes vivaient déjà leurs premières ambigüités sexuelles, Tomboy recule de 5 ans dans l’âge de ses protagonistes pour arriver à la fin de l’enfance.

A cet âge-là, le désir n’est pas encore lubrique mais les histoires d’amour sont déjà bien présentes. L’enfance est un âge-laboratoire, le moment de toutes les expériences et celui de toutes les interrogations. Laure préfèrerait être Michaël. Il n’y a pas de jugement dans la caméra de la réalisatrice, simplement de la curiosité, de la tendresse et un soupçon de peur. Car le suspense est bien présent : Laure va-t-elle être démasquée? Et puisqu’après tout cela ne fait pas trop de doute, comment cela va-t-il se passer? Comment va-t-elle survivre à ce mensonge? Chaque minute, le secret semble sur le point d’exploser, et chaque minute la vie continue, douce, insouciante comme l’idée qu’on se fait de l’enfance, et pourtant terriblement grave, comme ce qu’est réellement l’enfance.

Ici, la révélation peut être dramatique, car les enfants ne sont ni compréhensifs, ni généreux, ni désintéressés. Le film, d’un naturalisme impressionnant, vole quelques kilomètres au-dessus du Dernier été de la Boyita, avec lequel il partage la thématique de l’ambigüité sexuelle de l’enfance. Qu’est-ce qui va finalement nous déterminer à être des hommes ou des femmes? A aimer des hommes ou des femmes? A avoir des goûts d’hommes ou de femmes? Certains êtres échappent-ils au poids de la société pour imposer leur propre personnalité, au-delà de cette frontière floue entre les garçons et les filles, à laquelle les conservateurs et autres adeptes de l’ordre tiennent plus que tout?

Si cette ambigüité est formidablement saisie, le film souffre cependant de la légèreté documentaire de son histoire. Le récit, aussi habile soit-il, reste sage et conventionnel et a du mal à décoller vraiment, à s’émanciper de son ambiance de film d’auteur. Les éclats lumineux sont un peu trop rares, comme ce moment merveilleux où les deux jeunes filles dansent sur la musique éclatante de Para One. On retrouve alors le mysticisme de Naissance des pieuvres, qui rendait palpable l’univers inconnu et inaccessible dans lequel le désir trouve son origine et, peut-être, sa justification. Mais le plus souvent, Tomboy, énergique mais sans musique, reste collé au sol, sans arriver à transcender la réalité qu’il décrit.

La description est d’une justesse sidérante. Céline Sciamma est une cinéaste au talent solaire. Naissance des pieuvres transcendait son sujet. On regrette donc forcément que Tomboy ait si souvent les pieds bien accrochés sur terre.

Note : 6/10