La Cité Royale de Loches se compose d'un donjon, l'un des mieux conservé du
XIe siècle, et d'un logis royal, lieu qui vit passer Charles VII, Agnès Sorel, Jeanne d'Arc et Anne de Bretagne
entre autres. Ce fut un haut-lieu historique du XVe siècle.
L'extrémité nord de la Cité est donc occupé par le logis royal. Il fut érigé en deux
campagnes de construction, au XIVe siècle, sur ordre de Charles V, puis à la fin du XVe, sur ordres de Charles VIII et Louis
XII.
L'aile primitive XIVe est cantonnée de tourelles, dont se détache une tour ronde, en saillie sur le
fossé, appelée Tour Agnès Sorel. Le tombeau d'Agnès Sorel a longtemps logé au rez-de-chaussée de cette tour, de 1809 à 1970, d'où cette appellation. Après un passage à
l'intérieur du château, dans une salle qui porte d'ailleurs le nom de la favorite, le tombeau a retrouvé son écrin d'origine, en avril 2005 : la collégiale Saint-Ours, à quelques mètres
seulement.
Très restauré dans ses parties hautes, ce logis confortable aux sculptures raffinées
conserve quelques éléments défensifs. Le traitement de la façade orientale est un des charmes les plus évidents du logis. Elle s'ouvre sur de larges croisées, avec un décor pseudo-guerrier
constitué de tourelles engagées, d'échauguettes d'angles et d'un chemin de ronde que précède une corniche feuillagée. Crènelé seulement au XIXe siècle, lors d'importantes
restaurations, ce chemin trouvait sans doute un prolongement sur le mur-pignon méridional.
Charles VII séjourna souvent à Loches, après l'installation de la
cour en Touraine. Chinon fut capitale du royaume, mais le roi poursuit le mode de vie itinérant des seigneurs du Moyen-Âge. Loches et Chinon sont alors considérés comme résidences estivales,
Bourges étant privilégiée pour l'hiver.
A Loches, Charles VII reçut Jeanne d'Arc, dans la Grande Salle (aujourd'hui salle
Jeanne d'Arc), après la libération d'Orléans. Cette rencontre aboutit à l'organisation du sacre du roi à Reims, le 17 juillet 1429. Une plaque commémore cet évènement.
Agnès Sorel devint la première favorite "officielle" d'un roi en ces lieux. Son "installation" au logis la propulse en effet au premier plan. Le scandale
est immense. Jusqu'à présent, les rois de France gardaient une certaine "discrétion" avec leurs favorites. Charles VII bouscula, à Loches, les convenances. Il autorise la jeune
fille à siéger au conseil (une première pour une jeune demoiselle d'une vingtaine d'année !), elle vit au logis, se comportant telle une reine sans couronne. Pour la première fois dans
l'histoire, Charles VII reconnut officiellement ses batardes, nées de sa passion avec Agnès. La descendance, notamment de Charlotte de Valois, est connue et tout
à fait édifiante ! Le petit fils d'Agnès Sorel épousa une certaine Diane de Poitiers. Et l'une des descandantes donnera naissance à un jeune garçon promis à une
grans avenir : le futur Louis XV. Aujourd'hui encore, la descendance de la favorite de Charles VII est visible en Europe : Juan Carlos
d'Espagne, Anne-Aymone Giscard d'Estaing, née Sauvage de Brantes, Emmanuel-Philibert de Savoie (marié à l'actrice française Clotilde Courau), les
Bourbon-Parme... Par une simple reconnaissance royale, nous sommes devant les principales têtes couronnées européennes !
Louis XI fut élevé à Loches, au logis royal, entre 3 et 10 ans (de 1426 à 1433). Adulte, dans sa volonté de fuir les lieux fréquentés par son père, il ne revint
pas au logis et décida de faire du donjon une prison d'état.
Le logis neuf, prolongation de l'aile Charles V, construit
sous Charles VIII et Louis XII (fin XVe, début XVIe) prolonge le précédent au Nord. Il reste dans la tradition gothique, sans apport
italien, malgré le début des guerres d'Italie en 1494. Il fut l'un des rares châteaux de la Loire à ne pas profiter des inspirations italiennes. Construction trop contemporaine des premières
conquêtes ? La question se pose et n'a pas trouvé de réponses convaincantes pour l'instant. Toujours est-il que l'on peut affirmer que ce logis est l'un des derniers purement médiévaux du Val de
Loire, avant les multiples transformations et créations renaissantes, ou italiennes, à venir.
Une loggia flamboyante ouvrant sur le jardin conduit à l'oratoire d'Anne de Bretagne, petite
chapelle voûtée d'ogives dont les parois et l'autel sont couverts à profusion d'hermines bretonnes et de la cordelière de saint François, emblême de la reine. Cet oratoire est l'une des pièces
les plus petites, mais des plus intéressantes de ce logis.
L'histoire de ce logis ne saurait s'arrêter avec les passages d'Anne de
Bretagne. Nous savons que François Ier y est passé quelques fois, ainsi que Philippe V d'Espagne, se rendant dans son nouveau royaume, en
1705. Mais il faut bien reconnaitre que les sources sont plus minces concernant les XVIIe et XVIIIe siècles. C'est le problème récurrent des logis royaux : lorsque les rois
n'y viennent plus, nous manquons d'informations. Nous savons que Louis XIV préféra Chambord pour venir chasser en Val de Loire. Le logis de Loches est à priori abandonné durant
une longue période.
En 1793, le tribunal révolutionnaire prend place dans la grande salle du château.
Puis, à partir de 1801, la sous-préfecture occupe les lieux. Des transformations sont alors faites, notamment au rez-de-chaussée (bureau, appartements du sous-préfet), mais des restaurations et
de l'entretien également, ce qui sauve le bâtiment. Cet entretien régulier nous permet d'avoir, à Loches, deux charpentes d'origine, qui correspondent aux deux étapes de construction : 1377 et
1498, datées par dendrochronologie. La sous-préfecture ne déménage que dans les années 50 et le château n'ouvre au public qu'en 1955.
La visite permanente se cantonne au premier étage, passé le grand escalier
XIXe. S'en suit une enfilade de salles, comme les logis médiévaux le présentent souvent : de grands volumes, assez impressionnants, puis des plus petits, pour la partie du
XVe siècle jusqu'à l'oratoire d'Anne de Bretagne, véritable perle de ce monument. Le rez-de-chassée n'est ouvert que pour des expositions temporaires.
Parmi les collections intéressantes, des tapisseries, un peu de mobilier (peu, mais le
Moyen-Âge n'est pas une époque où les logis étaient très fournis), mais surtout de la peinture. Un retable du XVe, parfaitement conservé, appartenant autrefois à la Chartreuse du Liget (dans
la forêt de Loches), pillée à la Révolution, est exposé. Il permet de rappeler le talent de l'école Jean Fouquet en Touraine. L'un de ses élèves, Jean Poyet
réalise ici un magnifique travail concernant le traitement des scènes de la Passion du Christ. Jean Fouquet est aussi à l'honneur puisque l'on peut voir deux belles copies de
deux ses oeuvres les plus importantes : le portrait de Charles VII (original au Louvre), ainsi que la fameuse Vierge de Melun, représentant Agnès Sorel, sous les
traits de la Vierge à l'enfant (original à Anvers, aux Musée des Beaux-Arts).
Le billet de la Cité Royale vous permet de découvrir le logis royal et le donjon. En
quelques heures (au moins 2 pour l'ensemble), vous découvrirez un panel assez large de l'architecture médiévale : le donjon de l'An Mil, les fortifications XIIe et XIIIe et
l'art des logis résidentiel XIVe et XVe siècles. Une plongée dans le Moyen-Âge durant une journée !
Article du donjon à paraître.
Plus d'infos : www.chateau-loches.fr
Nos anciens lecteurs peuvent se dire que MONUMENTAL a déjà publié deux articles sur le donjon et le logis royal de Loches. C'est exact. Mais il se trouve que ces articles
méritaient une refonte quasi-totale ! Plus concis et plus illustrés, en remplacement des anciens.